Collège sainte-Marie La Salle à Roubaix, un pahre dans le Babel

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« SI JE LES PERDS, JE NE SAIS PAS OÙ ILS VONT ! » Michel Furnari, professeur en SEGPA. C’est sur ce cri d’alarme que je fais la connaissance de Farida Zouggagh, ancienne élève, et aujourd’hui adjointe de direction au collège La Salle Sainte-Marie de Roubaix.420 jeunes âgés de 11 à 16 ans, 92% de familles boursières, une trentaine de nationalités au cœur d’une ville où la concentration de la richesse autour du parc Barbieux induit sur un autre versant de la ville une ghettoïsation de la pauvreté. Les jeunes n’ont qu’une rue à traverser pour se réfugier sous les ailes des équipes Sainte-Marie La Salle. Mais entre la cage d’escalier et le portail du collège, le trajet rime avec danger. Enrôlements en tout genre, violence, drogue, harcèlement sont dans la rue. Et c’est uniquement lorsque Saïd et Sofia (1) arrivent dans la cour que leur regard s’illumine. Le jeune garçon m’interpelle : « Ici, Monsieur, les professeurs ont le S. » J’ai beau réfléchir et reprendre le lexique de mes propres adolescents, je ne comprends pas. Ils m’éclairent : « Oui le S, c’est-à-dire le sang. C’est la vie, c’est l’amour qui coule dans les veines. Il se passe quelque chose ici et cela fait du bien ! » Pour Zine Chenafi, professeur de mathématiques en classe de 4ème, la mission est salutaire à Sainte-Marie. « On sauve les enfants de la délinquance. Il n’est pas rare de reprendre les fondamentaux autour de l’hygiène ou de la politesse en plein milieu de la résolution d’une équation du premier degré. Ma plus grande satisfaction, c’est de constater l’évolution de nos élèves au fil des mois. Je retrouve même, des années après, nos anciens qui, pour certains, font de brillantes carrières dans le médical, le juridique ou l’artisanat. » Zine exerce à Sainte-Marie depuis 2015. Il porte un regard d’espérance inusable sur chacun de ces enfants venus de Syrie, d’Algérie, du Maroc, de France et d’autres terres encore. Il martèle sans cesse que ce vivre-ensemble n’est possible que parce qu’il y a un esprit fraternel. Mieux encore, une pastorale du seuil qui vient naturellement désamorcer les tensions. « Les familles nous font confiance. Elles savent que nous éduquons leurs enfants dans les valeurs d’un Dieu universel et que nous les instruisons selon les intuitions de saint Jean-Baptiste de La Salle pour les amener vers un monde meilleur. »Farida m’explique que certains enfants se lèvent seuls, sans faire de bruit, et arrivent le ventre vide au petit matin. C’est au détour d’une conversation que l’adjointe de direction apprend que le papa de Sarah est en prison et qu’il lui manque terriblement.Je ne sais plus si la buée de ses lunettes est la conséquence d’un trop-plein d’émotions dans le vide existentiel de ces enfants ou de l’impatience d’avaler un café brûlant. Elle se ressaisit dans un joli lapsus : « Ici je m’épanourris ! » C’est le plus beau néologisme que j’ai pu entendre de la bouche d’un éducateur tout à sa vocation. Pour Tarak Majouli, responsable de niveau des 3èmes et enseignant depuis 2005, « les élèves ont besoin d’un exemple ». Et derrière l’exemplarité, il y a la justice. Le Parcours d’Education à la Justice (PEJ) développé par le pôle animation formation du réseau national et déployé par les équipes pédagogiques de Roubaix est un véritable guide dans l’accompagnement des jeunes collégiens du quartier. Il s’agit de convertir des valeurs telles que le courage, le pardon, la liberté, la responsabilité,… en vertus. Autrement dit, que ces notions deviennent au fil des mois de véritables traits de caractère chez nos jeunes.Tarak insiste sur le sens donné à la mission : « Nous ne sommes pas là uniquement pour transmettre un savoir. Par ces chemins sinueux des apprentissages de la vie, nous donnons du sens à notre métier d’éducateur. »Changement de décor. Après les classes dites traditionnelles, me voilà devant la porte mystérieuse de Michel Furnari, responsable de la classe SEGPA et professeur d’atelier. Ce quadra aux allures de Billy Gibbons, le chanteur de ZZ Top, est un ancien compagnon du devoir qui met à profit ses talents auprès de nos ados. Le travail du bois, la marqueterie, la sculpture, l’électricité, la petite maçonnerie, l’informatique, tout ce qui se démonte, se transforme ou se recycle, c’est pour Michel et il sait embarquer dans son arche l’ensemble de ses jeunes sur des créations à couper le souffle. De l’utile à l’art déco, il éduque et façonne les mains des adolescents dans la précision du geste et la recherche esthétique de la pièce finale. Véritable laboratoire d’expériences, son atelier est une fenêtre ouverte sur la beauté du monde.Mouloud Berbache s’invite dans la conversation. Ce directeur de SEGPA joliment cravaté m’interpelle : « Le secret pour ces enfants, c’est d’être tout le temps présent pour eux. » Les équipes se réunissent ainsi deux heures par semaine pour échanger sur chacun des enfants de la SEGPA et du collège. Ces mini-conseils de classe permettent d’aborder la pédagogie mais aussi la vie dans l’établissement. Mouloud insiste sur la construction de l’homme, il est convaincu par une pastorale vécue transversalement sur le site. Vient enfin le moment de retrouver le chef d’établissement. Après une expérience réussie de directeur adjoint à Saint-Adrien La Salle de Villeneuve-d’Ascq (59), Benoît Lagniez a pris la direction du collège en septembre 2020. « Il n’est jamais question de prendre possession d’un lieu, mais toujours d’intégrer avec confiance une équipe solide et professionnelle. Mon rôle est d’insuffler un nouvel élan à Sainte-Marie. »Benoît est sur tous les fronts. En quelques mois il a su consolider les liens avec la mairie, les associations et les partenaires locaux qui ont saisi depuis des années les enjeux de ce collège implanté au cœur des quartiers populaires de Roubaix. Le chef d’établissement veut aller plus loin, en hissant le collège dans ses résultats.Ritualiser une journée, c’est proposer un cadre rassurant, une cadence dans l’organisation du travail. Il est tout aussi essentiel de sacraliser la classe ; cela passe

Olympe rayonne dans l’ombre de la Providence

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Il est des lieux où le précepte de Jean-Baptiste de La Salle, « Avec et pour le jeune », s’incarne à la perfection. Au collège la Providence de Poitiers, les équipes pédagogiques travaillent main dans la main avec Émilie, la maman d’Olympe atteinte de la maladie de la lune, pour lui offrir une scolarité ordinaire en toute sécurité. Dans les écrits sombres et froids d’antan, les malades atteints de xeroderma pigmentosum étaient voués à rester cloîtrer chez eux. Exposés aux rayons du soleil, ne serait-ce que quelques minutes, ils risquaient d’irreversibles lésions de la peau, voire des cancers. Une situation qui impliquait de grandes difficultés pour la scolarisation des enfants ou le maintien du lien social, et une adaptabilité extrêmement contraignante pour la famille. Puis, il y a Olympe, jeune fille pétillante de 13 ans qui file dare-dare au collège à vélo, absorbe inlassablement les programmes d’enseignement, chante avec bonheur au sein du groupe vocal de sa classe de 4e, enchaîne avec une séance shopping en compagnie de sa maman et ses amies dans le cœur de Poitiers et se réfugie enfin, le temps d’un weekend ou des vacances, chez ses grands-parents dans le Cotentin où elle retrouve sa famille et son poney. Olympe fait partie des 92 « enfants de la lune » diagnostiqués en France. Doux euphémisme pour expliquer qu’une place au soleil est inenvisageable pour la collégienne. Elle ne se sépare jamais de son dosimètre qu’elle tient dans sa main gantée. L’appareil permet de mesurer le taux des UV : il ne doit absolument pas décoller du 0 pour qu’Olympe puisse retirer en toute sécurité sa bulle protectrice semblable au casque des sorties orbitales d’un certain… Thomas Pesquet. Un impératif pour l’établissement : protéger Olympe de toute exposition aux UV L’adolescente incarne une joie de vivre insufflée par l’optimisme sans faille d’Émilie, sa maman, et relayée par les équipes pédagogiques de l’établissement lasallien la Providence à Poitiers. Joli challenge d’inclusion à relever pour le chef d’établissement de l’époque François-Xavier Willing qui a reçu Olympe dans son bureau pour son inscription il y a trois ans . Point de discussion autour de ses notes et des appréciations. Le comportement d’Olympe est comme son travail : exemplaire. En revanche, le cahier des charges pour son accueil était tout autre. Il fallait impérativement procéder à la mise en place de quelques équipements pour que la jeune fille puisse se déplacer dans l’enceinte du collège en toute sérénité. Le moindre rayon UV déposé sur sa peau est fatal. Le travail en étroite collaboration avec la collectivité territoriale et le département a permis de financer les films protecteurs à apposer sur les vitres de l’établissement, d’enfiler des « chaussettes » filtrantes sur chacun des néons et de remplacer petit à petit chaque filament de tungstène par des leds. La classe attitrée de la collégienne, le laboratoire, le gymnase et la cantine sont des lieux dorénavant protégés. Reste quelques couloirs de passage et certaines salles qui n’ont à ce jour pas été équipés. Mais peu importe : Émilie a suggéré la pose de petites émoticônes représentant un soleil en colère et une lune apaisée pour interpeller sa fille d’un éventuel danger.Olympe vit donc ses années collège comme l’ensemble des 600 jeunes de l’établissement, en toute autonomie. Les équipes éducatives pilotées par la cheffe d’établissement Hélène Soulard se sont engagées dans l’accompagnement de la scolarité d’Olympe. Une fois de plus, la promesse d’une école excellente est la réussite du plus fragile.

Dossier : J’ai choisi d’enseigner

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Plongée dans la communauté éducative du collège rural La Salle Notre-Dame de Monbahus. Qu’ils soient professeurs depuis toujours ou en reconversion dans le métier, les enseignants de ce collège du Lot-et-Garonne conjuguent au quotidien inventivité et attention à l’autre. Avec enthousiasme, sensibilité et passion. Ne cherchez pas de paillettes dans les bâtiments gris aux volets verts du collège de Monbahus, petit village du Lot-et-Garonne (47). Ici, faute de moyens, pas d’esbroufe, pas de salle informatique flambant neuve ou de tableaux blancs interactifs. Le collège de ce village rural de 600 habitants du sud-ouest de la France est discrètement situé en face de l’église, à quelques mètres de la petite supérette du coin. C’est là que les 12 élèves du dispositif ULIS (Unités localisées pour l’inclusion scolaire) viennent apprendre à compter la monnaie en achetant de la farine et des œufs qu’ils transformeront ensuite en crêpes ou en tartes aux pommes. Entre deux coups de fouet, ils redécouvrent la proportionnalité ou les nombres décimaux. « On est dans le pratique, dans le concret, confie Sylvie Barraud, enseignante spécialisée en ULIS. On fait en sorte qu’ils quittent le collège les moins fragiles possibles, qu’ils deviennent des jeunes adultes capables de se débrouiller. Enseigner, c’est un métier où l’on se met au service des enfants. » PEU DE MOYENS, MAIS DES IDÉES PÉDAGOGIQUES PLEIN LA TÊTE Pour stocker les nombreux jeux qui l’aident à développer les apprentissages de ses élèves en inclusion, Sylvie Barraud, « prof de tout » précise-t-elle, offre régulièrement à sa classe des rochers au chocolat, par boîte de 16. « Les boîtes en plastique transparent de cette marque sont hyper pratiques pour nos activités, explique l’enseignante de ce collège aux petits moyens. Alors on mange du chocolat ! »Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Ut elit tellus, luctus nec ullamcorper mattis, pulvinar dapibus leo.Ici, c’est le système D et l’entraide qui animent l’équipe pédagogique. Et ça marche : les paillettes, c’est dans les yeux des élèves qu’on les retrouve. « Avec trois bouts de ficelle, on fait des feux d’artifice », confirme la cheffe d’établissement, Myriam Grossias. À 43 ans, c’est elle qui anime depuis deux ans et demi l’équipe du collège La Salle Notre-Dame de Monbahus, douze professeurs magiciens de l’éducation. Le slogan de l’établissement résume à lui seul l’ADN de La Salle Notre-Dame : « Loin des villes, près des élèves ».Sur les 96 enfants répartis dans les quatre classes de 6e, 5e, 4e et 3e, une vingtaine occupe l’internat. « Certains viennent d’Agen, à 60 kilomètres d’ici, précise Myriam Grossias. C’est un établissement familial. Nos élèves peuvent avoir des difficultés, ce n’est pas l’élite, mais c’est bien de s’occuper d’eux. Et on est hyper innovants en pédagogie car il ne faut pas de sous pour ça. Juste des idées. » POUR CERTAINS, LE PROFESSORAT MARQUE LE DÉBUT D’UNE DEUXIÈME CARRIÈRE Extrêmement soudée, l’équipe enseignante est animée par une véritable soif de transmettre dans la joie aux jeunes générations. Plusieurs sont devenus profs après une autre carrière, comme Audrey Aumailley, professeur de lettres. Voilà 12 ans qu’elle a quitté le secteur touristique et la formation pour adultes pour enseigner, « riche de toutes ses expériences professionnelles passées ». À 45 ans, elle a fait le choix d’embrasser la carrière d’enseignante et c’est aujourd’hui pour elle devenu « une vocation » et une passion. « Je ne me lève pas le matin pour aller travailler : je vis l’enseignement, confie-t-elle. C’est pour moi le plus beau métier du monde. L’humain est au cœur de notre mission. »Ce matin-là, elle invite, comme chaque semaine, deux élèves de 4e à présenter à leurs camarades leur revue de presse. Debout devant le tableau, masque sur la bouche, Christelle a choisi de parler de la fonte de la calotte glaciaire au Groenland, « parce qu’on ne parle pas assez de la nature, explique l’adolescente. On parle plus de politique ou du covid. Or, il s’agit de notre futur. Et ça va faire des dégâts ». À Monbahus, beaucoup d’élèves sont fils ou filles d’agriculteurs mais aussi d’employés ou d’artisans. Maëlys, interne âgée de 13 ans, hésite entre devenir infirmière libérale ou policière scientifique. Mathéo, 14 ans, veut être conducteur d’engins agricoles. Il a hâte d’entrer au lycée agricole mais, en attendant, il est collé ce soir, jusqu’à 19h30. « On a une sorte de permis à points et là, j’en ai perdu dix parce que les cours, c’est pas mon truc. » Par contre, lui comme Maëlys et leurs camarades, sont unanimes : « Il est bien notre collège car c’est petit et familial et les profs sont toujours à l’écoute ». PROF D’EPS, JARDINIER-APICULTEUR ET BOOSTER D’AMBITION Le mercredi après-midi, les internes enchaînent les activités peinture, escalade, trampoline ou muscu dans la salle du bas avec leur professeur de sport. « Avec lui, on s’occupe des arbres fruitiers aussi, dit Maëlys. Et on a des ruches, on fait du miel et des bougies. » Trois ruches sont en effet situées en contrebas, sur un terrain pentu où Christophe Callegrain, le professeur d’EPS, a également aménagé avec les élèves un potager et planté 120 arbres fruitiers ainsi que 250 plantes mellifères pour faire vrombir de plaisir les abeilles.  Passionné « par le bio et le naturel », Christophe Callegrain est un prof heureux. « L’idée que c’était mieux avant, c’est faux. La jeunesse est pleine d’espoir, dit l’ancien gymnaste de haut niveau. Je dis aux gamins de ne pas s’interdire de rêver. En France, il y a des passerelles partout. » Lui est presque devenu un modèle pour les élèves en difficulté. « J’étais un enfant avec la tête pleine d’eau. Je n’avais aucun intérêt pour l’école. » Fils d’un plâtrier et d’une secrétaire, il se lance à l’époque dans un BEP agricole mais le sport a toujours été sa passion. Alors il rattrape son retard scolaire pour préparer le CAPES en 1996. « Je suis devenu paraplégique après un accident de moto, confie-t-il. Il m’a fallu un an et demi de greffes et

Lourdes, se connaître pour se reconnaître

la salle se reconnaitre

C’est sur cette thématique que 1200 jeunes collégiens de la délégation du Sud-Ouest se sont retrouvés lors d’une magnifique journée ensoleillée au sanctuaire de Lourdes le 6 avril dernier. Le rendez-vous impulsé par le délégué de tutelle de la région Jean Bourrousse a nécessité une année de préparation pour imaginer et construire l’événement réunissant une douzaine d’établissements scolaires allant de Bayonne à Poitiers. Adjoints en pastorale, professeurs, éducateurs et chefs d’établissement se sont mis au diapason, en étroite collaboration avec 80 jeunes lasalliens sollicités pour l’encadrement. Arrivés la veille de Bordeaux, Pont-l’Abbé-d’Arnoult et Bois, nos jeunes volontaires se sont accordés pour l’organisation logistique. De la planification des activités en passant par la gestion des ballets de bus, la distribution des repas, les temps d’échanges avec les frères, la célébration et les chants, rien n’a été laissé au hasard pour relever le défi et garantir le succès de ce temps fort. Pour Gabrielle, élève de terminale à Saint-Genès La Salle de Bordeaux : « ÊTRE LASALLIEN N’EST PAS UNIQUEMENT ÊTRE ISSU D’UNE ÉCOLE LOGOTÉE DE SON ÉTOILE. C’EST AVANT TOUT AVOIR LA FOI, AUTREMENT DIT AVOIR LA CONFIANCE EN SOI ET EN L’AUTRE. UNE FOI EN CES PETITES ACTIONS DU QUOTIDIEN QUI PERMETTRONT DE CHANGER LE MONDE. » Et ce millier de jeunes peut se targuer d’avoir changé le monde en cette veille d’anniversaire de saint Jean-Baptiste de La Salle. Se connaître, aller puiser au fond de son cœur la lumière jaillissante et abondante de la vie. Ce chemin, si difficile à trouver parfois nous a été tracé par des témoignages de frères des Écoles chrétiennes venus de toute la France mais aussi des Philippines et du Burkina Faso. La centaine d’adultes responsables de tous ces enfants ont aussi vécu non sans émotion les parcours des religieux. 12h30, la photo de groupe est programmée. Les lasalliens se sont dirigés devant la basilique Notre-Dame du Rosaire de la cité mariale. Et c’est au même moment, telle une apparition, que la conférence des évêques de France en assemblée plénière est sortie de ce haut lieu de convergence des processions. Les jeunes se sont écartés et ont réalisé naturellement une immense haie d’honneur aux prélats. « Rien n’était programmé de la sorte mais la rencontre devait se faire », constate Jean Bourrousse d’un large sourire. Entre étonnement et admiration des jeunes voyant les religieux se fondre parmi eux, la parole s’est joliment libérée. Chasubles roses des religieux confondues aux casquettes aux couleurs de l’étoile lasallienne des enfants, l’esplanade s’est colorée de vie et de lumière en quelques secondes. C’est dans la basilique Saint-Pie X de Lourdes que Monseigneur Wintzer, évêque de Poitiers, a clôturé le rassemblement des jeunes. Cette basilique souterraine plonge ses pèlerins dans l’obscurité. Sollicité continuellement par les éblouissements de notre société, il était bon de vivre l’expérience tamisée pour aller chercher au fond de soi la lumière intérieure, la lumière de son cœur. Un message bien reçu par l’ensemble des enfants.

Accueillir et être accueilli

accueil des enfants et acceuillir photo d'une jeune femme

« L’accueil de tous ». L’accroche se retrouve dans la majorité de nos plaquettes de communication. Mais quel sens donner à ce mot ? Comment l’accueil prend-il corps dans les établissements lasalliens ? Qu’est-ce qu’un accueil réussi ? Nous sommes allés à la rencontre de Nadine Zamith, cheffe d’établissement de l’ensemble scolaire Saint-Germain de Charonne La Salle à Paris, pour répondre à toutes ces questions. L’ensemble scolaire, situé dans une zone REP (Réseau d’éducation prioritaire) du 20e arrondissement de Paris, surplombe le quartier et nous regarde de haut dès notre arrivée. Derrière les grandes lignes verticales d’acier trempé qui composent l’immense portail, on peut entendre les cris de joie des élèves de l’école. Une fois le portail franchi, nous sommes immédiatement plongés dans les jeux de marelle et de billes qui rappellent l’école d’antan. Au mur, des dessins colorés d’enfants. Dans l’espace du collège est affichée la une du journal Charonnews. Il s’agit des dernières actualités rédigées par des élèves accompagnés de professeurs dans le cadre d’un atelier. Un peu plus loin, une webradio résonne avec des sujets variés et contemporains, et nous rappelle que nous sommes bien au XXIe siècle ! Nous apprendrons par la suite que ces ateliers du collège sont portés par les professeurs dans le cadre du projet d’établissement pour permettre de développer le discernement et l’esprit critique, et donc, de maîtriser l’information face à l’omniprésence des réseaux sociaux et des fake news. « « ACCUEILLIR, C’EST FAIRE UNE PLACE POUR GRANDIR ET S’ÉPANOUIR EN LIEN AVEC LES AUTRES »» Chaque famille qui souhaite inscrire son enfant passe par la rencontre avec la directrice pour un entretien d’une heure. En effet, pour Nadine Zamith, « il est fondamental que chacun trouve sa place et puisse se construire et s’épanouir en lien avec les autres », et en premier lieu laisser à chacun sa liberté : « Je n’ai jamais inscrit un enfant qui ne voulait pas venir à Charonne ». L’établissement qui accueille la multiculturalité induit le discernement sur le vivre ensemble, ou plutôt le vivre en partage et en fraternité, avec pour dénominateur commun l’adhésion au projet éducatif lasallien et aux valeurs qui le composent. Un œil bienveillant posé sur chaque enfant Un œil bienveillant posé sur chaque enfantL’accueil prend différentes formes et il est partout à Saint-Germain de Charonne : de la salle des professeurs qui échangent autour d’un café au bureau de la direction, de la cour de récréation aux salles de classe en passant par l’entrée. Il présuppose la liberté. « L’école est un lieu où l’on apprend à être en lien, à faire ensemble, à se construire en harmonie. » Une classe d’allophones où se conjuguent les verbes « recevoir » et « donner » C’est dans cet esprit que l’établissement lasallien accueille aussi, depuis deux ans, la classe Nelson Mandela ouverte à des mineurs non accompagnés. Les fondamentaux tels que la lecture et l’écriture, les mathématiques et l’anglais sont acquis en petits groupes de 5-6 jeunes. En revanche, pour ce qui est des arts plastiques, de l’éducation physique ou musicale par exemple, les allophones vivent l’immersion en classe ordinaire ; c’est ce qui fait l’enrichissement du groupe et permet de construire des liens.La cheffe d’établissement nous rappelle que le mot « hôte » comporte un double sens : l’hôte est à la fois celui qui accueille et celui à qui l’on donne l’hospitalité. Ce qui implique l’échange, voire la réciprocité. Un même mot pour évoquer deux idées. Accueillir, c’est aller vers l’autre et recevoir de lui, c’est donner et s’enrichir. Comment accueillir pour donner confiance dans l’avenir ? Fawa est une jeune ivoirienne de 17 ans. Elle fait partie de la classe Nelson Mandela. Arrivée à la gare du Nord en plein hiver 2021, transie de froid, elle a découvert après un périple de plusieurs milliers de kilomètres, l’accueil par la couverture chaude dont un membre de la Croix Rouge l’a enveloppée. Une douche, un repas, le minimum pour recevoir la première attention, le premier signe d’affection.Au bout de quelques mois, Fawa a retrouvé l’esquisse d’un sourire en s’installant sur le banc de l’école du quartier parisien. Elle est, pour la première fois de sa vie, attendue. Extrêmement reconnaissante de cette main tendue, de cette confiance témoignée, Fawa travaille avec opiniâtreté et rattrape petit à petit le niveau. « Par l’accueil, par la disponibilité de mes amis, de mes professeurs, j’ai aujourd’hui un projet et une ambition », nous explique celle qui rêve de devenir esthéticienne. « C’est l’une des élèves les plus impliquées de la classe», nous confie Véronique Goudale, sa professeure de français. La preuve : l’enseignante a embarqué son groupe au théâtre du Châtelet pour découvrir l’odyssée africaine Le vol du Boli et le lendemain, Fawa s’est fait une joie de traduire la culture animiste bambara d’Afrique subsaharienne en français. Rien de tel pour prendre confiance en soi et ouvrir ses camarades à ses origines. Soigner les maux par les mots Sylvain, lui aussi élève de la classe Nelson Mandela, a vécu des épisodes extrêmement douloureux dans sa vie, enfouis en son for intérieur. Lors de la journée de la fraternité 2021, il a enfin eu la possibilité de crier sa rage grâce à une chanson qu’il avait été invité à présenter dans le cadre d’un temps fort de fraternité au sein de l’établissement. Son texte violent, avec des mots difficiles à entendre par tous les élèves, plaçait les équipes éducatives devant un sacré dilemme. Comment ne pas censurer le message de Sylvain issu de sa terrible expérience de la migration et de la misère ? La cheffe d’établissement a alors proposé à Sylvain de conserver son texte mais de l’écrire en soninké, sa langue maternelle. Les maux se sont exprimés, à travers le texte de sa chanson. Sylvain est aujourd’hui devenu la star de sa promotion. L’accueil, c’est aussi la leçon du renard au Petit Prince « Il faut d’abord apprivoiser ces jeunes. Cela peut prendre des semaines », confie Véronique Goudale, rappelant cette réflexion du renard au Petit Prince dans le livre de Saint-Exupéry : « Si tu m’apprivoises, nous

Montebourg, le bon air à la récré

chateau montebourg

L’Abbaye La Salle de Montebourg, dans le Cotentin, rassemble un collège d’enseignement général, un lycée agricole et l’exploitation attenante, ainsi qu’un centre de formation pour adultes. De la 6e à l’âge de l’insertion professionnelle, enfants, adolescents et adultes se côtoient sur plusieurs hectares arborés qui leur servent de cour de récréation, comme un îlot de verdure à l’écart du monde. Reportage. Face à l’abbatiale, trois groupes de collégiens sont assis en rang d’oignons : deux groupes de respectivement quatre et trois garçons sur les murets en pierre, et un groupe de sept autres s’étale sur les marches menant à une salle où trois baby-foot attendent des joueurs. Ils papotent calmement, profitant de la douceur ensoleillée de cette matinée de septembre. Devant eux, une grande cour de bitume usée par les ans et délimitée par d’imposants bâtiments en pierre. Leurs camarades courent, se chamaillent ou traînent nonchalamment. Soudain, un sifflet puissant : Régis Lemonnier veut faire cesser une chamaillerie avant qu’elle ne dégénère en bagarre. L’alerte du responsable de la vie scolaire est efficace : les élèves cessent le combat et s’éloignent, tête baissée. « Je suis très visuel, m’avait-il expliqué quelques minutes plus tôt. J’observe, et quand j’ai un ressenti, j’interviens et ça se règle. » La méthode, rodée depuis une dizaine d’années par cet ancien élève de l’établissement, vient de faire ses preuves devant mes yeux.« La récré n’est pas mon moment préféré de la journée, confie Sébastien Lefèvre, éducateur. Je cours dans tous les sens, je fais de la bobologie… » Celui qui travaille en binôme avec Régis Lemonnier est pompier volontaire, ce qui a un côté rassurant pour les élèves. Les deux hommes s’occupent seuls de la surveillance des récréations des 350 jeunes qui fréquentent l’établissement sur le temps scolaire, répartis entre le collège et le lycée dans un mélange de filière générale, d’enseignement agricole (EA), et d’apprentis. « Mon métier, c’est le soudain. Mon objectif, c’est d’être libre pour aller à l’incident s’il survient », synthétise Régis Lemonnier. Il connaît les endroits stratégiques où se placer pour avoir une vue d’ensemble : la cour du collège, la plus délimitée, n’est pas la seule fréquentée par les élèves. LSLI SEPTEMBRE 2022 Les lycéens sont dans un autre endroit, qui n’a de cour que le nom : ils investissent plus largement les grands espaces du groupe scolaire, de l’autre côté de l’abbatiale. On y trouve le cimetière des frères, l’immense terrain de sport, le parking, le foyer qui sert de refuge en cas de mauvais temps, les pelouses de l’internat, le potager et le coin fumeur où certains jeunes se regroupent, entre l’étang bordé d’arbres imposants et un petit pommier croulant sous les fruits.  La surveillance est plus intense côté collège : « Les jeunes ont plein de questions, ils osent les poser et ils ont un grand besoin d’être encadrés », constate Régis Lemonnier. Concernant les lycéens, c’est l’inverse : « Ils savent où nous trouver en cas de problème. » Dans les deux cas, l’important est de poser des cadres bien définis. La démarche est d’autant plus utile si l’on considère l’addition de deux facteurs qui font la spécificité de cet établissement lasallien : beaucoup d’élèves connaissent des problèmes familiaux ou des phobies scolaires et l’endroit est entièrement libre et ouvert. « C’est très inconfortable pour les encadrants », admet Laurence Macé, la cheffe d’établissement. À l’Abbaye de Montebourg, vous ne trouverez aucune grille, aucun portail, aucun mur d’enceinte : de l’exploitation agricole, où se trouvent plus d’une centaine de vaches, à l’abbatiale, en passant par le bâtiment accueillant le CDI ou celui de l’internat, les jeunes vont et viennent du matin jusqu’au soir dans une liberté totale. « Ici, tous les adultes se sentent éducateurs » Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Ut elit tellus, luctus nec ullamcorper mattis, « Ici, tous les adultes se sentent éducateurs », précise Régis Lemonnier. Et ils le sont effectivement, comme en témoigne la réflexion à la fois sévère et inquiète de Myriam Léger, chargée du ménage, au jeune Tynaël qui va devoir assumer une bêtise commise la veille. Les temps de récréation qui sortent des horaires strictement scolaires se déroulent en effet sous l’œil attentif et bienveillant de l’ensemble de l’équipe éducative : la directrice, mais aussi la responsable de l’internat, l’adjointe de direction, les professeurs, le personnel d’entretien,… dapibus leo.L’exercice n’est pas tout à fait le même lorsqu’il s’agit des temps de récréation de la pause déjeuner, du mercredi après-midi ou de la soirée pour les internes. La cour du collège est à ces moments-là assez peu fréquentée : elle sert plutôt de passage. L’essentiel des périodes de liberté des jeunes internes, de la 6e à la terminale, se déroule entre l’internat, le foyer, le bâtiment administratif qui le jouxte, le terrain de sport, l’étang et la ferme. S’y rejoue alors le théâtre social des adultes : « Il y a d’un côté les terriens, et de l’autre les marins, constate Laurence Macé. Ce sont deux mondes qui ne se mélangent pas. » Les enfants de pêcheurs et ceux d’agriculteurs se tiennent à distance, comme dans le monde extérieur à l’abbaye, un Cotentin séparé entre la vie sur la côte et la vie dans les terres. Une autre distinction est à l’œuvre : « Il y a deux camps : celui des bédas et le général », explique Maxine, une élève de 17 ans en terminale EA (enseignement agricole) d’un ton caustique. Elle-même fait partie de la première catégorie, les bédas, un mot d’argot peu flatteur signifiant « paysans beaufs », en opposition à l’élitisme supposé de la filière générale. Entraide, conseils et confidences Malgré tout, ce qui ressort des moments de récréation dans cet établissement fermement et brillamment tenu par Laurence Macé, la charismatique directrice, c’est la bonne ambiance. « On est une grande famille », confie Nathan, élève en 4e EA. Derrière le comptoir du foyer qui sert de coin buvette où l’on peut se procurer des friandises, Maxine tient exactement les mêmes propos. « Je peux être une épaule, ou bien une

Notre Maison brûle et nous regardons ailleurs !

table sur le rechauffement climatique

Cette phrase prononcée par Jacques Chirac lors du 4e Sommet de la terre à Johannesburg date de septembre 2002, et elle résonne encore et toujours dans nos têtes Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Ut elit tellus, luctus nec ullamcorper mattis, pulvinar dapibus leo.Vingt ans après, où en sommes-nous sur l’engagement de nos établissements scolaires dans l’écologie intégrale et le développement durable ? Tel fut le thème de notre Université lasallienne d’automne (ULA) qui s’est déroulée du 21 au 23 octobre 2022 à Issy-les-Moulineaux et qui a réuni une centaine d’acteurs du réseau d’éducation La Salle. Plus d’un enfant sur 100 est scolarisé dans le réseau des établissements La Salle en France. La résilience est donc possible en sensibilisant nos éducateurs à l’éducation intégrale de nos jeunes pour une écologie intégrale. Aux dimensions personnelle, spirituelle et sociale développées par le philosophe Jacques Maritain en 1943, s’est ajoutée la dimension naturelle du bien commun. L’objectif, selon Pascal Balmand, le premier intervenant de l’ULA, est de s’intéresser à l’enfant dans sa globalité et pas seulement à l’élève : « La personne constitue un tout systémique : corps, cœur, esprit, âme, et ne se réalise que dans la relation à autrui. Un lien organique entre accomplissement de la personne et construction du bien commun. » Alors, est-il trop tard pour agir ? Geoffroy Belhenniche, directeur du développement durable au sein du campus UniLaSalle de Rennes, a emboîté le pas au responsable de la transition écologique de la Conférence des évêques de France. « Il n’est pas trop tard pour agir. En revanche, il est urgent d’agir », a-t-il précisé. En effet, si nous devons respecter les accords de Paris adoptés lors de la COP21, nous devons réduire nos émissions de gaz à effet de serre à deuxtonnes de CO2 par an et par habitant. Pour repère, l’empreinte carbone d’un Français est aujourd’hui de 10 tonnes et de 16 tonnes pour un Américain. Décroître pour recroître. Il est également question de génération frugale : pour Geoffroy Belhenniche, les impératifs de la neutralité carbone passent par la baisse des mobilités, les limitations des constructions nouvelles et l’économie circulaire. Autrement dit, la complexité réside entre le plancher social, c’est-à-dire l’accès à l’eau, à l’alimentation, aux services de santé, au logement, aux réseaux de transport, à l’énergie, etc., et le plafond écologique qui met en péril notre maison commune. Rareté de l’eau et stress hydrique 2,1 milliards de personnes n’ont pas accès à des services d’alimentation domestique en eau potable et 4,5 milliards ne disposent pas des services d’assainissement gérés en toute sécurité. Dans les foyers privés d’eau, on note une inégalité hommes/femmes ; en effet, 80 % des femmes ont la lourde charge d’aller chercher de l’eau pour leur famille. Cette photographie prise à l’instant T par Laura Ballerini, de l’ONG Solidarieta Internazionale, prouve encore l’importance d’éduquer nos jeunes à la citoyenneté mondiale et à l’égalité hommes/femmes. « D’ici 2050, 216 millions de personnes des pays du sud seront amenées à quitter leur pays pour des raisons liées au dérèglement climatique. Même si la migration a toujours existé sous plusieurs formes (crises politiques, migrations religieuses, guerres…), on vit dans un monde liquide, un monde qui bouge. »Pour Noémie Paté, docteure en sociologie, « il est important de penser notre responsabilité et de refroidir le débat ». Dans ce contexte, les éducateurs lasalliens sont les colibris chers à Pierre Rabhi : ils doivent faire leur part et emmener les jeunes avec eux. Avec optimisme

Féminisation des filières scientifiques : des efforts pour plus d’effets

femmes et sciences

La lente évolution du nombre de filles dans les filières scientifiques est un problème de société dans lequel les établissements scolaires peuvent avoir un rôle à jouer. Nombre d’écoles lasalliennes sont conscientes de l’enjeu et mettent en place des stratégies pour arriver à un équilibre. « Il y a du travail à faire », constate Patrick Albers, enseignant-chercheur en informatique et responsable de la filière numérique de l’ESAIP d’Angers, l’une des trois écoles d’ingénieurs lasalliennes de France. « Il y a encore des réflexions de profs qui ont 30 ou 40 ans et que je trouve aberrantes, comme « C’est pas un travail de fille, ça », ou « On sait bien que les filles n’aiment pas trop les sciences ». Pourquoi les discriminer ? Je ne dis pas que c’est un discours général, bien sûr, mais on l’entend toujours quand même », regrette-t-il. On sent la colère dans sa voix : les stéréotypes ont la vie dure, et c’est l’une des raisons pour lesquelles les filles sont toujours en minorité dans les filières scientifiques. « C’est à cause des idées imputables aux représentations de la société », affirme de son côté Thomas Marlat, chef d’établissement du site Saint-Barthélemy au sein de l’ensemble scolaire Aux Lazaristes-La Salle de Lyon.À quelques pas de là, au sein de l’école primaire du site Saint-Jean, trois enseignantes de primaire font des choix réfléchis et mettent en place des stratégies pour lutter contre les stéréotypes de genre dès le plus jeune âge : elles utilisent une méthode non genrée d’apprentissage des mathématiques en CP et privilégient le travail de groupe pour que les filles se sentent plus à l’aise. C’est primordial pour Guillemette Caillet, qui a une classe de CP : « Dès le début de leur scolarité, on doit dire aux filles que c’est possible pour elles de faire des sciences et des carrières scientifiques. »À l’autre bout du spectre étudiant, il est encore et toujours important de le répéter, même auprès des jeunes adultes : « Dans le pôle excellence en cybersécurité, on a mis une femme en avant. Elle s’appelle Gwenaëlle Barrois. Elle représente l’école. Elle a pour mission de donner de la voix pour attirer les jeunes filles, pour montrer que les filles aussi ont leur place dans les sciences, explique Ladji. Même dans les choix de nos délégués, c’est toujours un garçon et une fille. S’il y a des événements scientifiques, les filles sont mises en avant justement pour montrer la voie », complète-t-il. La stratégie est l’équité plus que l’égalité pour tenter de redresser le déséquilibre qui persiste, voire qui s’aggrave. Extrait du reportage Magazine La Salle liens international décembre 2022 by Florence Porcel pour en savoir plus : l.fauthoux@lasallefrance.fr ou l.pollet@lasallefrance.fr La réforme du Bac, facteur aggravant? En deux ans, en effet, la proportion de filles dans les filières scientifiques s’est effondrée. En cause : la réforme du Bac de l’ancien ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer. Les données chiffrées du rapport du Collectif Maths&Sciences paru en octobre 2022 parlent d’elles-mêmes : entre 2019 et 2021, le nombre de filles à profil scientifique suivant six heures de maths ou plus par semaine a baissé de 61 % (contre -37 % chez les garçons). La désaffection est nette : « La rupture est aussi brutale qu’inédite. Même si on considère tous les élèves à profil scientifique, la part des filles recule de 20 ans en deux ans de réforme, avec seulement 44,7 % de filles en 2021 », indique le rapport. Pour Ladji (nom ?), il est encore trop tôt pour pouvoir tirer des conclusions définitives. En effet, peut-être faudra-t-il encore plusieurs années pour savoir si la tendance 2019-2021 se confirme ou s’il s’agit d’une anomalie statistique qui n’aurait aucun lien avec la réforme Blanquer. . Certains signes cependant ne trompent pas : au vu de ces premiers résultats, le gouvernement rétropédale. Le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, a annoncé en novembre 2022 le retour des mathématiques obligatoires pour les élèves des lycées dès 2023 pour contenir l’hémorragie de filles : « L’avenir de l’excellence française en mathématiques se trouve largement du côté des filles. Notre objectif est la parité filles-garçons », a précisé le ministre.  Malgré tout, ni l’école ni le gouvernement ne peuvent être tenus pour seuls responsables de l’historique déséquilibre genré des filières scientifiques. Avant l’arrivée dans le parcours scolaire, les enfants sont issus d’une famille. Celle-ci peut malheureusement véhiculer les stéréotypes les plus délétères : « J’ai une élève en souffrance, raconte d’un air grave Laurence Bouyge, qui enseigne les maths et l’informatique en prépa au lycée Aux Lazaristes-La Salle. Ses parents lui disent que ce n’est pas la place d’une fille de faire des sciences. » Dans un tel contexte familial, on ne peut que saluer le courage et l’opiniâtreté de cette jeune fille qui lui ont permis d’arriver jusqu’en prépa.Heureusement, il existe des exemples plus positifs : « Au départ, ma mère ne voulait pas que je fasse des sciences, explique Ambre, élève de terminale du site Neyret à Lyon, qui souhaite devenir ingénieure en cosmétique. Mais maintenant, elle me soutient ! » Sonia-Lilly, élève de terminale dans le même lycée, a beaucoup hésité dans ses choix d’orientation et s’est finalement dirigée vers les sciences, comme sa sœur. Mary constate l’impact des parents sur le choix d’orientation de leurs enfants lorsqu’elle tient des stands dans les salons étudiants. Et Ladji d’enfoncer le clou : « Dans les salons, on le voit bien, les parents prennent la décision de pousser les enfants dans une direction plutôt qu’une autre », avec parfois le risque de freiner les filles vers les filières scientifiques. « Les a priori sont encore très forts », acquiesce Patrick Albers. En discutant avec les élèves, on se rend compte qu’au-delà des pressions diverses, la profession des parents joue beaucoup dans le choix des enfants : la reproduction sociale chère à Bourdieu reste une réalité. Parmi les neuf élèves rencontrés sur le site Saint-Barthélemy de Lyon, quasiment tous ont des parents médecins, vétérinaires, ingénieurs

REPORTAGE DANS UN DE NOS ÉTABLISSEMENTS : “DU DEVOIR DE L’ENGAGEMENT À LA JOIE DU PARTAGE”

photo de groupe d'enfants laslliens

Au lycée de la Rochefoucauld La Salle, l’engagement n’est pas un vain mot. En ce jeudi du mois de janvier 2023, le temps est maussade. Pourtant, le gris et la pluie ne découragent pas les élèves du lycée La Rochefoucauld La Salle, nombreux à s’adonner au basket pendant la pause déjeuner, sur le terrain enclavé entre le bâtiment scolaire et l’arrière d’immeubles haussmanniens qui s’élèvent comme autant de forteresses. Le sol synthétique rouge sombre s’apparentant plus à une pataugeoire qu’à un terrain de sport, un lycéen s’applique à l’écoper minutieusement avec un racleau pour que ses camarades puissent faire rebondir le ballon comme il se doit. Comme une illustration des propos qui seront tenus tout au long de la journée, l’initiative d’un individu rend service à tout le groupe : dès notre arrivée, « la Roche » tient ses promesses. Extrait du reportage Magazine La Salle liens international mars 2022 Florence Porcel – Laurence Pollet – Lionel Fauthoux Des élèves privilégiés et engagés Dans ce lycée du très cossu 7e arrondissement de Paris, chaque élève arrivant en 2de, une « année sans échéance » selon les mots de Tiphaine, une élève de terminale, doit choisir une association dans laquelle devenir bénévole. Cette obligation est une chance : « Grâce à ça, on se rend compte que c’est hyper facile de s’engager », explique Benoît, 17 ans. Cet élève de terminale avait alors choisi d’aller distribuer des repas via l’association La soupe Saint-Eustache. Tiphaine, de son côté, a découvert les maraudes. Quant à Salomé, scolarisée en 1re, elle est très investie dans l’association Cœur de Roche, intrinsèque à l’établissement, pour laquelle elle récolte des fonds pour financer un voyage au Pérou afin d’aller y rénover une école. Ces trois jeunes font preuve d’une maturité tout à fait étonnante. Est-ce le fait de s’engager dès l’adolescence pour venir en aide à des populations dans le besoin qui apporte cette épaisseur et cet ancrage ? Ou bien est-ce leur ouverture et leur empathie naturelles qui les ont poussés à ne pas cesser leurs multiples engagements après leur première année de lycée ? Toujours est-il que ces élèves impressionnent. Benoît a fait un voyage humanitaire au Népal pendant les vacances d’été ; il a aidé des enseignants de maternelle à donner des cours d’anglais. Salomé reverse tout l’argent de ses baby-sittings dans Cœur de Roche. Et Tiphaine s’est rendue auprès d’enfants atteints du sida en Inde et a voulu créer sa propre association en France pour faire des maraudes (elle s’est malheureusement heurtée à l’obstacle de l’âge, peu compatible avec l’exercice de ces actions bénévoles en toute indépendance). Pour ces jeunes, l’engagement n’est donc pas consigné qu’au strict temps scolaire : il fait déjà partie de leur vie citoyenne. Transmettre le sens du don et du partage Face à ces profils impressionnants, il est facile de se laisser déstabiliser. Tous les élèves du réseau lasallien peuvent-ils en faire autant ? C’est Benoît qui, le premier, apporte une réponse à cette question qui n’a pas été ouvertement posée : « Nous sommes très privilégiés, surtout ici : on tourne la tête et on voit la Tour Eiffel. » Le milieu social aisé est évidemment non négligeable : avec des parents avocats, médecins, commissaires aux comptes ou cadres universitaires comme c’est leur cas, l’engagement envers les personnes moins chanceuses est plus simple à mettre en place, par exemple, que pour une élève rencontrée à Lyon à la faveur d’un précédent reportage qui doit aider sa mère pour les tâches ménagères chaque soir après l’école.Ces trois élèves-ci n’en ont pas moins du mérite, d’autant plus que la conscience de leurs privilèges est aiguisée : « On est assez grand pour prendre conscience de la chance qu’on a, acquiesce Tiphaine suite aux propos de Benoît. J’ai chaud, je suis éduquée, je suis aimée par mes parents, j’ai beaucoup : je ne peux pas ne rien faire. » Salomé abonde dans le même sens : « On a tous conscience d’être privilégiés dans cette école. Partager cette chance ne nous enlève rien, nous n’avons donc aucune raison de ne pas la partager. » Dont acte. Elle insiste également sur la transmission, elle qui a eu envie de s’engager après avoir vu une vidéo sur les résultats d’une action humanitaire : « Le récit de l’engagement est primordial. Mon année de terminale sera aussi importante que le voyage au Pérou prévu l’été prochain : il faut partager le retour d’expérience pour que les gens prennent d’eux-mêmes l’initiative de s’engager dans Cœur de Roche. » En somme, elle compte bien donner l’exemple aux futurs lycéens, un peu comme ses parents l’ont fait avec elle à travers son éducation et leurs nombreux dons à des associations. La pastorale : une mission pour les laïcs Les parents de Tiphaine lui ont également appris très tôt à « faire des gestes » et du bénévolat. Elle note cependant qu’en arrivant à La Rochefoucauld La Salle, « la pastorale nous met sur les rails », pendant la fameuse année de 2de avec engagement obligatoire. « Comme il y a une perte de vitesse des vocations, le partage des missions se fait avec des laïcs », explique Nadine Zamith, la cheffe d’établissement coordinatrice. Dans son lycée, ce sont donc principalement des parents qui gèrent cette pastorale : une autre forme d’engagement que l’on peut trouver entre les murs de l’établissement parisien.  Pour Niki Pozzo di Borgo, une ancienne mère d’élève qui travaille à mi-temps dans la mode, c’est le « sens du devoir » qui, en 2006, l’a motivée à venir faire le caté : « À l’origine, je me rappelle m’être dit qu’il fallait prendre son tour. Que si nous avions des enfants catéchisés, c’est parce que des parents prenaient de leur temps pour le faire. » Frédéric Gouze, parent d’élève lui aussi, ingénieur et entrepreneur de 59 ans, a commencé dix ans plus tard pour une autre raison : « J’étais juste un chrétien qui allait à la messe et je voulais faire plus, je voulais transmettre. » Tous deux, habités par leur foi qui transparaît dans leur sourire et sur les traits de leur