Montebourg, le bon air à la récré

chateau montebourg

L’Abbaye La Salle de Montebourg, dans le Cotentin, rassemble un collège d’enseignement général, un lycée agricole et l’exploitation attenante, ainsi qu’un centre de formation pour adultes. De la 6e à l’âge de l’insertion professionnelle, enfants, adolescents et adultes se côtoient sur plusieurs hectares arborés qui leur servent de cour de récréation, comme un îlot de verdure à l’écart du monde. Reportage. Face à l’abbatiale, trois groupes de collégiens sont assis en rang d’oignons : deux groupes de respectivement quatre et trois garçons sur les murets en pierre, et un groupe de sept autres s’étale sur les marches menant à une salle où trois baby-foot attendent des joueurs. Ils papotent calmement, profitant de la douceur ensoleillée de cette matinée de septembre. Devant eux, une grande cour de bitume usée par les ans et délimitée par d’imposants bâtiments en pierre. Leurs camarades courent, se chamaillent ou traînent nonchalamment. Soudain, un sifflet puissant : Régis Lemonnier veut faire cesser une chamaillerie avant qu’elle ne dégénère en bagarre. L’alerte du responsable de la vie scolaire est efficace : les élèves cessent le combat et s’éloignent, tête baissée. « Je suis très visuel, m’avait-il expliqué quelques minutes plus tôt. J’observe, et quand j’ai un ressenti, j’interviens et ça se règle. » La méthode, rodée depuis une dizaine d’années par cet ancien élève de l’établissement, vient de faire ses preuves devant mes yeux.« La récré n’est pas mon moment préféré de la journée, confie Sébastien Lefèvre, éducateur. Je cours dans tous les sens, je fais de la bobologie… » Celui qui travaille en binôme avec Régis Lemonnier est pompier volontaire, ce qui a un côté rassurant pour les élèves. Les deux hommes s’occupent seuls de la surveillance des récréations des 350 jeunes qui fréquentent l’établissement sur le temps scolaire, répartis entre le collège et le lycée dans un mélange de filière générale, d’enseignement agricole (EA), et d’apprentis. « Mon métier, c’est le soudain. Mon objectif, c’est d’être libre pour aller à l’incident s’il survient », synthétise Régis Lemonnier. Il connaît les endroits stratégiques où se placer pour avoir une vue d’ensemble : la cour du collège, la plus délimitée, n’est pas la seule fréquentée par les élèves. LSLI SEPTEMBRE 2022 Les lycéens sont dans un autre endroit, qui n’a de cour que le nom : ils investissent plus largement les grands espaces du groupe scolaire, de l’autre côté de l’abbatiale. On y trouve le cimetière des frères, l’immense terrain de sport, le parking, le foyer qui sert de refuge en cas de mauvais temps, les pelouses de l’internat, le potager et le coin fumeur où certains jeunes se regroupent, entre l’étang bordé d’arbres imposants et un petit pommier croulant sous les fruits.  La surveillance est plus intense côté collège : « Les jeunes ont plein de questions, ils osent les poser et ils ont un grand besoin d’être encadrés », constate Régis Lemonnier. Concernant les lycéens, c’est l’inverse : « Ils savent où nous trouver en cas de problème. » Dans les deux cas, l’important est de poser des cadres bien définis. La démarche est d’autant plus utile si l’on considère l’addition de deux facteurs qui font la spécificité de cet établissement lasallien : beaucoup d’élèves connaissent des problèmes familiaux ou des phobies scolaires et l’endroit est entièrement libre et ouvert. « C’est très inconfortable pour les encadrants », admet Laurence Macé, la cheffe d’établissement. À l’Abbaye de Montebourg, vous ne trouverez aucune grille, aucun portail, aucun mur d’enceinte : de l’exploitation agricole, où se trouvent plus d’une centaine de vaches, à l’abbatiale, en passant par le bâtiment accueillant le CDI ou celui de l’internat, les jeunes vont et viennent du matin jusqu’au soir dans une liberté totale. « Ici, tous les adultes se sentent éducateurs » Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Ut elit tellus, luctus nec ullamcorper mattis, « Ici, tous les adultes se sentent éducateurs », précise Régis Lemonnier. Et ils le sont effectivement, comme en témoigne la réflexion à la fois sévère et inquiète de Myriam Léger, chargée du ménage, au jeune Tynaël qui va devoir assumer une bêtise commise la veille. Les temps de récréation qui sortent des horaires strictement scolaires se déroulent en effet sous l’œil attentif et bienveillant de l’ensemble de l’équipe éducative : la directrice, mais aussi la responsable de l’internat, l’adjointe de direction, les professeurs, le personnel d’entretien,… dapibus leo.L’exercice n’est pas tout à fait le même lorsqu’il s’agit des temps de récréation de la pause déjeuner, du mercredi après-midi ou de la soirée pour les internes. La cour du collège est à ces moments-là assez peu fréquentée : elle sert plutôt de passage. L’essentiel des périodes de liberté des jeunes internes, de la 6e à la terminale, se déroule entre l’internat, le foyer, le bâtiment administratif qui le jouxte, le terrain de sport, l’étang et la ferme. S’y rejoue alors le théâtre social des adultes : « Il y a d’un côté les terriens, et de l’autre les marins, constate Laurence Macé. Ce sont deux mondes qui ne se mélangent pas. » Les enfants de pêcheurs et ceux d’agriculteurs se tiennent à distance, comme dans le monde extérieur à l’abbaye, un Cotentin séparé entre la vie sur la côte et la vie dans les terres. Une autre distinction est à l’œuvre : « Il y a deux camps : celui des bédas et le général », explique Maxine, une élève de 17 ans en terminale EA (enseignement agricole) d’un ton caustique. Elle-même fait partie de la première catégorie, les bédas, un mot d’argot peu flatteur signifiant « paysans beaufs », en opposition à l’élitisme supposé de la filière générale. Entraide, conseils et confidences Malgré tout, ce qui ressort des moments de récréation dans cet établissement fermement et brillamment tenu par Laurence Macé, la charismatique directrice, c’est la bonne ambiance. « On est une grande famille », confie Nathan, élève en 4e EA. Derrière le comptoir du foyer qui sert de coin buvette où l’on peut se procurer des friandises, Maxine tient exactement les mêmes propos. « Je peux être une épaule, ou bien une

Notre Maison brûle et nous regardons ailleurs !

table sur le rechauffement climatique

Cette phrase prononcée par Jacques Chirac lors du 4e Sommet de la terre à Johannesburg date de septembre 2002, et elle résonne encore et toujours dans nos têtes Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Ut elit tellus, luctus nec ullamcorper mattis, pulvinar dapibus leo.Vingt ans après, où en sommes-nous sur l’engagement de nos établissements scolaires dans l’écologie intégrale et le développement durable ? Tel fut le thème de notre Université lasallienne d’automne (ULA) qui s’est déroulée du 21 au 23 octobre 2022 à Issy-les-Moulineaux et qui a réuni une centaine d’acteurs du réseau d’éducation La Salle. Plus d’un enfant sur 100 est scolarisé dans le réseau des établissements La Salle en France. La résilience est donc possible en sensibilisant nos éducateurs à l’éducation intégrale de nos jeunes pour une écologie intégrale. Aux dimensions personnelle, spirituelle et sociale développées par le philosophe Jacques Maritain en 1943, s’est ajoutée la dimension naturelle du bien commun. L’objectif, selon Pascal Balmand, le premier intervenant de l’ULA, est de s’intéresser à l’enfant dans sa globalité et pas seulement à l’élève : « La personne constitue un tout systémique : corps, cœur, esprit, âme, et ne se réalise que dans la relation à autrui. Un lien organique entre accomplissement de la personne et construction du bien commun. » Alors, est-il trop tard pour agir ? Geoffroy Belhenniche, directeur du développement durable au sein du campus UniLaSalle de Rennes, a emboîté le pas au responsable de la transition écologique de la Conférence des évêques de France. « Il n’est pas trop tard pour agir. En revanche, il est urgent d’agir », a-t-il précisé. En effet, si nous devons respecter les accords de Paris adoptés lors de la COP21, nous devons réduire nos émissions de gaz à effet de serre à deuxtonnes de CO2 par an et par habitant. Pour repère, l’empreinte carbone d’un Français est aujourd’hui de 10 tonnes et de 16 tonnes pour un Américain. Décroître pour recroître. Il est également question de génération frugale : pour Geoffroy Belhenniche, les impératifs de la neutralité carbone passent par la baisse des mobilités, les limitations des constructions nouvelles et l’économie circulaire. Autrement dit, la complexité réside entre le plancher social, c’est-à-dire l’accès à l’eau, à l’alimentation, aux services de santé, au logement, aux réseaux de transport, à l’énergie, etc., et le plafond écologique qui met en péril notre maison commune. Rareté de l’eau et stress hydrique 2,1 milliards de personnes n’ont pas accès à des services d’alimentation domestique en eau potable et 4,5 milliards ne disposent pas des services d’assainissement gérés en toute sécurité. Dans les foyers privés d’eau, on note une inégalité hommes/femmes ; en effet, 80 % des femmes ont la lourde charge d’aller chercher de l’eau pour leur famille. Cette photographie prise à l’instant T par Laura Ballerini, de l’ONG Solidarieta Internazionale, prouve encore l’importance d’éduquer nos jeunes à la citoyenneté mondiale et à l’égalité hommes/femmes. « D’ici 2050, 216 millions de personnes des pays du sud seront amenées à quitter leur pays pour des raisons liées au dérèglement climatique. Même si la migration a toujours existé sous plusieurs formes (crises politiques, migrations religieuses, guerres…), on vit dans un monde liquide, un monde qui bouge. »Pour Noémie Paté, docteure en sociologie, « il est important de penser notre responsabilité et de refroidir le débat ». Dans ce contexte, les éducateurs lasalliens sont les colibris chers à Pierre Rabhi : ils doivent faire leur part et emmener les jeunes avec eux. Avec optimisme

Féminisation des filières scientifiques : des efforts pour plus d’effets

femmes et sciences

La lente évolution du nombre de filles dans les filières scientifiques est un problème de société dans lequel les établissements scolaires peuvent avoir un rôle à jouer. Nombre d’écoles lasalliennes sont conscientes de l’enjeu et mettent en place des stratégies pour arriver à un équilibre. « Il y a du travail à faire », constate Patrick Albers, enseignant-chercheur en informatique et responsable de la filière numérique de l’ESAIP d’Angers, l’une des trois écoles d’ingénieurs lasalliennes de France. « Il y a encore des réflexions de profs qui ont 30 ou 40 ans et que je trouve aberrantes, comme « C’est pas un travail de fille, ça », ou « On sait bien que les filles n’aiment pas trop les sciences ». Pourquoi les discriminer ? Je ne dis pas que c’est un discours général, bien sûr, mais on l’entend toujours quand même », regrette-t-il. On sent la colère dans sa voix : les stéréotypes ont la vie dure, et c’est l’une des raisons pour lesquelles les filles sont toujours en minorité dans les filières scientifiques. « C’est à cause des idées imputables aux représentations de la société », affirme de son côté Thomas Marlat, chef d’établissement du site Saint-Barthélemy au sein de l’ensemble scolaire Aux Lazaristes-La Salle de Lyon.À quelques pas de là, au sein de l’école primaire du site Saint-Jean, trois enseignantes de primaire font des choix réfléchis et mettent en place des stratégies pour lutter contre les stéréotypes de genre dès le plus jeune âge : elles utilisent une méthode non genrée d’apprentissage des mathématiques en CP et privilégient le travail de groupe pour que les filles se sentent plus à l’aise. C’est primordial pour Guillemette Caillet, qui a une classe de CP : « Dès le début de leur scolarité, on doit dire aux filles que c’est possible pour elles de faire des sciences et des carrières scientifiques. »À l’autre bout du spectre étudiant, il est encore et toujours important de le répéter, même auprès des jeunes adultes : « Dans le pôle excellence en cybersécurité, on a mis une femme en avant. Elle s’appelle Gwenaëlle Barrois. Elle représente l’école. Elle a pour mission de donner de la voix pour attirer les jeunes filles, pour montrer que les filles aussi ont leur place dans les sciences, explique Ladji. Même dans les choix de nos délégués, c’est toujours un garçon et une fille. S’il y a des événements scientifiques, les filles sont mises en avant justement pour montrer la voie », complète-t-il. La stratégie est l’équité plus que l’égalité pour tenter de redresser le déséquilibre qui persiste, voire qui s’aggrave. Extrait du reportage Magazine La Salle liens international décembre 2022 by Florence Porcel pour en savoir plus : l.fauthoux@lasallefrance.fr ou l.pollet@lasallefrance.fr La réforme du Bac, facteur aggravant? En deux ans, en effet, la proportion de filles dans les filières scientifiques s’est effondrée. En cause : la réforme du Bac de l’ancien ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer. Les données chiffrées du rapport du Collectif Maths&Sciences paru en octobre 2022 parlent d’elles-mêmes : entre 2019 et 2021, le nombre de filles à profil scientifique suivant six heures de maths ou plus par semaine a baissé de 61 % (contre -37 % chez les garçons). La désaffection est nette : « La rupture est aussi brutale qu’inédite. Même si on considère tous les élèves à profil scientifique, la part des filles recule de 20 ans en deux ans de réforme, avec seulement 44,7 % de filles en 2021 », indique le rapport. Pour Ladji (nom ?), il est encore trop tôt pour pouvoir tirer des conclusions définitives. En effet, peut-être faudra-t-il encore plusieurs années pour savoir si la tendance 2019-2021 se confirme ou s’il s’agit d’une anomalie statistique qui n’aurait aucun lien avec la réforme Blanquer. . Certains signes cependant ne trompent pas : au vu de ces premiers résultats, le gouvernement rétropédale. Le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, a annoncé en novembre 2022 le retour des mathématiques obligatoires pour les élèves des lycées dès 2023 pour contenir l’hémorragie de filles : « L’avenir de l’excellence française en mathématiques se trouve largement du côté des filles. Notre objectif est la parité filles-garçons », a précisé le ministre.  Malgré tout, ni l’école ni le gouvernement ne peuvent être tenus pour seuls responsables de l’historique déséquilibre genré des filières scientifiques. Avant l’arrivée dans le parcours scolaire, les enfants sont issus d’une famille. Celle-ci peut malheureusement véhiculer les stéréotypes les plus délétères : « J’ai une élève en souffrance, raconte d’un air grave Laurence Bouyge, qui enseigne les maths et l’informatique en prépa au lycée Aux Lazaristes-La Salle. Ses parents lui disent que ce n’est pas la place d’une fille de faire des sciences. » Dans un tel contexte familial, on ne peut que saluer le courage et l’opiniâtreté de cette jeune fille qui lui ont permis d’arriver jusqu’en prépa.Heureusement, il existe des exemples plus positifs : « Au départ, ma mère ne voulait pas que je fasse des sciences, explique Ambre, élève de terminale du site Neyret à Lyon, qui souhaite devenir ingénieure en cosmétique. Mais maintenant, elle me soutient ! » Sonia-Lilly, élève de terminale dans le même lycée, a beaucoup hésité dans ses choix d’orientation et s’est finalement dirigée vers les sciences, comme sa sœur. Mary constate l’impact des parents sur le choix d’orientation de leurs enfants lorsqu’elle tient des stands dans les salons étudiants. Et Ladji d’enfoncer le clou : « Dans les salons, on le voit bien, les parents prennent la décision de pousser les enfants dans une direction plutôt qu’une autre », avec parfois le risque de freiner les filles vers les filières scientifiques. « Les a priori sont encore très forts », acquiesce Patrick Albers. En discutant avec les élèves, on se rend compte qu’au-delà des pressions diverses, la profession des parents joue beaucoup dans le choix des enfants : la reproduction sociale chère à Bourdieu reste une réalité. Parmi les neuf élèves rencontrés sur le site Saint-Barthélemy de Lyon, quasiment tous ont des parents médecins, vétérinaires, ingénieurs

REPORTAGE DANS UN DE NOS ÉTABLISSEMENTS : “DU DEVOIR DE L’ENGAGEMENT À LA JOIE DU PARTAGE”

photo de groupe d'enfants laslliens

Au lycée de la Rochefoucauld La Salle, l’engagement n’est pas un vain mot. En ce jeudi du mois de janvier 2023, le temps est maussade. Pourtant, le gris et la pluie ne découragent pas les élèves du lycée La Rochefoucauld La Salle, nombreux à s’adonner au basket pendant la pause déjeuner, sur le terrain enclavé entre le bâtiment scolaire et l’arrière d’immeubles haussmanniens qui s’élèvent comme autant de forteresses. Le sol synthétique rouge sombre s’apparentant plus à une pataugeoire qu’à un terrain de sport, un lycéen s’applique à l’écoper minutieusement avec un racleau pour que ses camarades puissent faire rebondir le ballon comme il se doit. Comme une illustration des propos qui seront tenus tout au long de la journée, l’initiative d’un individu rend service à tout le groupe : dès notre arrivée, « la Roche » tient ses promesses. Extrait du reportage Magazine La Salle liens international mars 2022 Florence Porcel – Laurence Pollet – Lionel Fauthoux Des élèves privilégiés et engagés Dans ce lycée du très cossu 7e arrondissement de Paris, chaque élève arrivant en 2de, une « année sans échéance » selon les mots de Tiphaine, une élève de terminale, doit choisir une association dans laquelle devenir bénévole. Cette obligation est une chance : « Grâce à ça, on se rend compte que c’est hyper facile de s’engager », explique Benoît, 17 ans. Cet élève de terminale avait alors choisi d’aller distribuer des repas via l’association La soupe Saint-Eustache. Tiphaine, de son côté, a découvert les maraudes. Quant à Salomé, scolarisée en 1re, elle est très investie dans l’association Cœur de Roche, intrinsèque à l’établissement, pour laquelle elle récolte des fonds pour financer un voyage au Pérou afin d’aller y rénover une école. Ces trois jeunes font preuve d’une maturité tout à fait étonnante. Est-ce le fait de s’engager dès l’adolescence pour venir en aide à des populations dans le besoin qui apporte cette épaisseur et cet ancrage ? Ou bien est-ce leur ouverture et leur empathie naturelles qui les ont poussés à ne pas cesser leurs multiples engagements après leur première année de lycée ? Toujours est-il que ces élèves impressionnent. Benoît a fait un voyage humanitaire au Népal pendant les vacances d’été ; il a aidé des enseignants de maternelle à donner des cours d’anglais. Salomé reverse tout l’argent de ses baby-sittings dans Cœur de Roche. Et Tiphaine s’est rendue auprès d’enfants atteints du sida en Inde et a voulu créer sa propre association en France pour faire des maraudes (elle s’est malheureusement heurtée à l’obstacle de l’âge, peu compatible avec l’exercice de ces actions bénévoles en toute indépendance). Pour ces jeunes, l’engagement n’est donc pas consigné qu’au strict temps scolaire : il fait déjà partie de leur vie citoyenne. Transmettre le sens du don et du partage Face à ces profils impressionnants, il est facile de se laisser déstabiliser. Tous les élèves du réseau lasallien peuvent-ils en faire autant ? C’est Benoît qui, le premier, apporte une réponse à cette question qui n’a pas été ouvertement posée : « Nous sommes très privilégiés, surtout ici : on tourne la tête et on voit la Tour Eiffel. » Le milieu social aisé est évidemment non négligeable : avec des parents avocats, médecins, commissaires aux comptes ou cadres universitaires comme c’est leur cas, l’engagement envers les personnes moins chanceuses est plus simple à mettre en place, par exemple, que pour une élève rencontrée à Lyon à la faveur d’un précédent reportage qui doit aider sa mère pour les tâches ménagères chaque soir après l’école.Ces trois élèves-ci n’en ont pas moins du mérite, d’autant plus que la conscience de leurs privilèges est aiguisée : « On est assez grand pour prendre conscience de la chance qu’on a, acquiesce Tiphaine suite aux propos de Benoît. J’ai chaud, je suis éduquée, je suis aimée par mes parents, j’ai beaucoup : je ne peux pas ne rien faire. » Salomé abonde dans le même sens : « On a tous conscience d’être privilégiés dans cette école. Partager cette chance ne nous enlève rien, nous n’avons donc aucune raison de ne pas la partager. » Dont acte. Elle insiste également sur la transmission, elle qui a eu envie de s’engager après avoir vu une vidéo sur les résultats d’une action humanitaire : « Le récit de l’engagement est primordial. Mon année de terminale sera aussi importante que le voyage au Pérou prévu l’été prochain : il faut partager le retour d’expérience pour que les gens prennent d’eux-mêmes l’initiative de s’engager dans Cœur de Roche. » En somme, elle compte bien donner l’exemple aux futurs lycéens, un peu comme ses parents l’ont fait avec elle à travers son éducation et leurs nombreux dons à des associations. La pastorale : une mission pour les laïcs Les parents de Tiphaine lui ont également appris très tôt à « faire des gestes » et du bénévolat. Elle note cependant qu’en arrivant à La Rochefoucauld La Salle, « la pastorale nous met sur les rails », pendant la fameuse année de 2de avec engagement obligatoire. « Comme il y a une perte de vitesse des vocations, le partage des missions se fait avec des laïcs », explique Nadine Zamith, la cheffe d’établissement coordinatrice. Dans son lycée, ce sont donc principalement des parents qui gèrent cette pastorale : une autre forme d’engagement que l’on peut trouver entre les murs de l’établissement parisien.  Pour Niki Pozzo di Borgo, une ancienne mère d’élève qui travaille à mi-temps dans la mode, c’est le « sens du devoir » qui, en 2006, l’a motivée à venir faire le caté : « À l’origine, je me rappelle m’être dit qu’il fallait prendre son tour. Que si nous avions des enfants catéchisés, c’est parce que des parents prenaient de leur temps pour le faire. » Frédéric Gouze, parent d’élève lui aussi, ingénieur et entrepreneur de 59 ans, a commencé dix ans plus tard pour une autre raison : « J’étais juste un chrétien qui allait à la messe et je voulais faire plus, je voulais transmettre. » Tous deux, habités par leur foi qui transparaît dans leur sourire et sur les traits de leur