Fawa est une jeune ivoirienne de 17 ans. Elle fait partie de la classe Nelson Mandela. Arrivée à la gare du Nord en plein hiver 2021, transie de froid, elle a découvert après un périple de plusieurs milliers de kilomètres, l’accueil par la couverture chaude dont un membre de la Croix Rouge l’a enveloppée. Une douche, un repas, le minimum pour recevoir la première attention, le premier signe d’affection.
Au bout de quelques mois, Fawa a retrouvé l’esquisse d’un sourire en s’installant sur le banc de l’école du quartier parisien. Elle est, pour la première fois de sa vie, attendue. Extrêmement reconnaissante de cette main tendue, de cette confiance témoignée, Fawa travaille avec opiniâtreté et rattrape petit à petit le niveau. « Par l’accueil, par la disponibilité de mes amis, de mes professeurs, j’ai aujourd’hui un projet et une ambition », nous explique celle qui rêve de devenir esthéticienne. « C’est l’une des élèves les plus impliquées de la classe», nous confie Véronique Goudale, sa professeure de français. La preuve : l’enseignante a embarqué son groupe au théâtre du Châtelet pour découvrir l’odyssée africaine Le vol du Boli et le lendemain, Fawa s’est fait une joie de traduire la culture animiste bambara d’Afrique subsaharienne en français. Rien de tel pour prendre confiance en soi et ouvrir ses camarades à ses origines.
Sylvain, lui aussi élève de la classe Nelson Mandela, a vécu des épisodes extrêmement douloureux dans sa vie, enfouis en son for intérieur. Lors de la journée de la fraternité 2021, il a enfin eu la possibilité de crier sa rage grâce à une chanson qu’il avait été invité à présenter dans le cadre d’un temps fort de fraternité au sein de l’établissement. Son texte violent, avec des mots difficiles à entendre par tous les élèves, plaçait les équipes éducatives devant un sacré dilemme. Comment ne pas censurer le message de Sylvain issu de sa terrible expérience de la migration et de la misère ? La cheffe d’établissement a alors proposé à Sylvain de conserver son texte mais de l’écrire en soninké, sa langue maternelle. Les maux se sont exprimés, à travers le texte de sa chanson. Sylvain est aujourd’hui devenu la star de sa promotion.
« Il faut d’abord apprivoiser ces jeunes. Cela peut prendre des semaines », confie Véronique Goudale, rappelant cette réflexion du renard au Petit Prince dans le livre de Saint-Exupéry : « Si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde. »
Accueillir, c’est une façon pour tous de grandir en humanité, d’éduquer le regard de l’autre, d’apprendre à respecter la liberté, le parcours et les aspirations de chacun, et ainsi accompagner les jeunes sur une voie qui leur est propre. Comme le résume Nadine Zamith, « on n’a jamais fini de réfléchir sur la définition de l’accueil » : comme la foi, c’est un cheminement quotidien, qui demande humilité et reconnaissance, ouverture et bienveillance. Qu’est-ce donc l’accueil de tous ? C’est accompagner chaque personne, permettre à chacun de grandir et de s’épanouir, dans une relation fraternelle d’échange.