Marseille – À Saint-Bruno La Salle, un héritage plus vivant que jamais

Au collège Saint-Bruno La Salle à Marseille, l’éducation chrétienne lasallienne n’est pas un vain mot : elle est un objectif permanent pour toutes les équipes, des enseignants aux services administratifs en passant par les éducateurs et les AESH. Avec un mantra : écouter pour mieux accompagner.

Dans le 4e arrondissement de Marseille, il existe une place remplie d’arbres sur laquelle veille une église imposante, où les étals s’étirent joyeusement les jours de marché et qui donne sur l’entrée du collège Saint-Bruno La Salle. Sans la présence de cette bouche de métro qui s’enfonce dans les entrailles de la cité phocéenne, on pourrait se croire dans un petit village provençal.

La rentrée n’a eu lieu que quelques jours auparavant, et pourtant tout a l’air d’aller de soi : les élèves et les équipes éducatives semblent être présents dans l’établissement de toute éternité. C’est d’ailleurs parfois le cas : « J’étais élève dans ce collège, annonce Amélia Dorsile, qui travaille à la vie scolaire, dans un immense sourire. Ce n’était que du bonheur, je n’en garde que des bons souvenirs. C’était une ambiance familiale. » Salamati Ali-Kali, référente éducative récemment embauchée pour les besoins de la « classe Étoile » qui accueille et accompagne depuis septembre des élèves en décrochage scolaire, est, elle aussi, une ancienne élève de Saint-Bruno. « J’ai grandi avec les valeurs de Jean-Baptiste de La Salle et elles font sens pour moi dans ce début de carrière : il m’est arrivé d’aller en cours la boule au ventre et aujourd’hui je veux aider les élèves qui vivent la même chose en pire. »

Une main tendue passe d’abord par l’écoute et, à ce sujet, Amélia Dorsile note une évolution positive : « Le règlement s’est assoupli par rapport aux années où j’étais élève. Les jeunes peuvent plus s’exprimer et, surtout, on les écoute plus. » Marine Savonne, sa collègue à la vie scolaire, abonde dans son sens : « Nous sommes les yeux et les oreilles de ce collège. Sans nous, l’établissement ne pourrait pas fonctionner. »

Dieu et le vivre-ensemble

Alors qu’Amélia Dorsile demande à un jeune de jeter son chewing-gum et que Marine Savonne surveille les lacets d’un autre – il serait dommage de chuter alors même que la sonnerie du matin n’a pas encore retenti –, Frédéric Ayme fait son entrée dans le hall d’accueil. Cet ancien cadre éducatif, actuel président de l’Organisme de gestion de l’enseignement catholique (Ogec), est reçu par Frédéric Vela, le chef d’établissement, dans son bureau. « Saint-Bruno est l’établissement qui vit le plus le projet lasallien, affirme Frédéric Ayme. C’est l’accueil de toutes et tous, ce qui n’est pas si fréquent, et le vivre-ensemble. Il faut tout un cheminement pour ne plus avoir peur les uns des autres, pour faire des célébrations où tout le monde vient. » Frédéric Vela acquiesce dans un sourire aussi doux que les chatons imprimés sur sa tasse pleine du café du matin : « On ne dit jamais que c’est obligatoire, mais j’aime dire qu’on y va “ensemble”. Ça ne va pas de soi parce qu’il y a une multiplicité des fois et des convictions, mais ça fonctionne : ça fait partie du petit miracle marseillais. »

Le collège, qui se situe à la limite des quartiers nord (qui sont parmi les plus pauvres de France), bénéficie d’une désaffection des familles à l’égard du public. « Une maman musulmane m’a dit un jour : “Ici, on parle de Dieu.” C’était très fort. Ça compte vraiment », ajoute le chef d’établissement. « Nous ouvrons chaque conseil d’administration de l’Ogec avec une citation de Jean-Baptiste de La Salle pour rappeler le projet », explique Frédéric Ayme, afin de montrer que ce projet lasallien ne s’applique pas qu’aux élèves, mais bien à l’intégralité des personnels et de la vie de l’établissement.

La « classe Étoile » pour accompagner les décrocheurs

Dans la cour, le niveau de décibels monte : c’est bientôt l’heure de la sonnerie qui marque le début des cours. Par terre sont tracés de longs rectangles blancs au bout desquels est indiqué le nom de chaque classe : ils accueilleront bientôt au sein de leurs contours les rangées des élèves qui y attendront leurs enseignants. Dans un coin trône une statue de Jean-Baptiste de La Salle accompagné de deux enfants. Et, comme un écho à travers les siècles, lui fait face une œuvre plus moderne : une fresque, dont le style rappelle celui d’une bande dessinée survitaminée, représentant sept jeunes de multiples origines remplis d’énergie et accompagnés par un professeur dont le livre porte l’étoile lasallienne sur la couverture. Le ton est donné. Alors que le premier cours de la journée commence, nous avons rendez-vous dans l’une des nombreuses salles de classe portant le nom d’un frère pour nous entretenir avec Stéphanie Urban-Brochard et Salamati Ali-Kali.

Stéphanie Urban-Brochard, lumineuse professeure de SVT et coordinatrice pédagogique du GR13 l’Étoile qui a ouvert à la rentrée (la fameuse « classe Étoile ») porte ce projet depuis de nombreuses années : « Ce dispositif se situe entre le micro-collège et l’atelier-relais. Dans tous les cas, il est conçu dans un objectif de rescolarisation. » Enseignante depuis 26 ans, longtemps proche spirituellement de saint Vincent de Paul, elle trouve dans le projet lasallien « la bienveillance qu’[elle] n’avait jamais vue ailleurs » et la pertinence de « l’accompagnement de chaque jeune » qui fait sens pour elle : « Il y a toujours du bon chez quelqu’un. » Elle a appuyé l’embauche de Salamati Ali-Kali dont le profil de professeure documentaliste est idéal pour le projet : « Rien n’est prévu pour gérer la situation d’un élève qui décroche. Avec ce dispositif, nous voulons ramener le jeune à l’école mais aussi lui ouvrir des perspectives. » Les deux femmes nous emmènent au quatrième étage de l’établissement qui jouit d’un rare privilège : un toit-terrasse avec d’un côté la vue sur l’église des Chartreux et de l’autre une vue sur les Calanques, toit-terrasse qui pourra servir de cour de récréation. « C’est un espace à part mais qui reste au sein du collège, l’idée étant de ne pas ghettoïser la classe », précise Stéphanie Urban-Brochard.

Appréhender le jeune dans sa globalité

En redescendant les étages, dont les grilles des coursives sont peintes aux couleurs de l’étoile lasallienne, nous rencontrons une autre enseignante engagée dans le projet du GR13 l’Étoile : Anne Pithon, professeure de lettres classiques et enseignante relais, qui fait sa onzième rentrée à Saint Bruno. « C’est assez naturel pour moi d’aider les enfants en difficulté. Je me reconnais parfaitement dans la philosophie lasallienne qui apporte une aide et un soutien à chaque jeune. »

Elle tient à établir des relations de confiance entre les élèves et les adultes et est surtout attachée à tenir compte de chacun dans son entièreté : « Il n’y a pas que les notes, je ne suis pas là juste pour dispenser un savoir. La grande qualité de cet établissement, c’est qu’on nous donne les moyens de considérer le jeune dans sa globalité. Cependant, nous faisons face à un certain nombre de difficultés : ici, les élèves manquent d’ambition, ils ont du mal à se projeter ou à s’ouvrir. » Heureusement, Anne Pithon est portée par sa foi et puise dans les humanistes pour surmonter ces écueils.

« Il faut tout un cheminement pour ne plus avoir peur les uns des autres, pour faire des célébrations où tout le monde vient »

« Malgré nos différences, on se comprend tous »

Non loin, juste à côté du CDI, Sœur Henriette Kaboré nous reçoit dans la salle de la pastorale. Cette dominicaine de la Présentation passe 20 heures par semaine dans l’établissement : « Je donne les cours de culture religieuse qui sont intégrés dans l’emploi du temps et je fais la catéchèse pour les chrétiens. » Lors de l’année scolaire précédente, elle a pu s’enorgueillir de sept confirmations, huit professions de foi et 12 baptêmes. Cette année, les séances auront pour thème « Accueillir et accepter les différences ». Les élèves de 4e et de 3e présents dans la salle ont déjà l’air de maîtriser parfaitement le sujet : « On nous apprend le respect », précise l’un d’entre eux. « Malgré nos différences, on se comprend tous », note sa camarade. Ils retournent en cours et Sœur Henriette reprend : « Les jeunes se posent beaucoup de questions sur l’état du monde et sur Dieu. Alors dans cette salle, je parle de Dieu aux élèves, et je parle des élèves à Dieu. »

De retour à l’étage administratif, nous rencontrons Sylvie Gagliano : « Je suis secrétaire de direction et comptable. Je tiens absolument aux deux, parce que si je n’étais que comptable, je ne verrais pas beaucoup les parents. » C’est ce lien que cette employée multi-casquette semble apprécier le plus : « J’aime cette dimension d’écoute et d’accompagnement. Certes, je suis au cœur des difficultés financières des familles, mais je suis là pour trouver des solutions. Et on trouve toujours, ensemble. » Frédéric Vela confirme : « Les familles font un effort financier qui n’est pas négligeable et je ressens donc une grande responsabilité. Nous n’avons pas le droit de les décevoir. » Frédéric Ayme ajoute : « D’autant plus qu’ici, nous ne faisons pas de sélection et que les parents savent que les autres établissements sont très sélectifs. » Et Frédéric Vela de conclure dans un sourire : « Mais au final, les familles sont agréablement surprises. »

De la vie scolaire aux enseignants en passant par la pastorale et les services administratifs, toutes les équipes de Saint-Bruno La Salle s’appliquent à suivre scrupuleusement le projet de Jean-Baptiste de La Salle pour une éducation chrétienne profondément ancrée dans la philosophie lasallienne, faisant de l’établissement « un endroit où l’on se sent en sécurité », selon les mots de Frédéric Ayme. Et ce, malgré les turpitudes du monde.

Partagez cet article

Une question ?

Vous avez besoin d’une information concernant un de nos établissements ? N’hésitez pas à nous contacter et nous vous répondons ! 

en ce moment

Suivez nos dernières actualités

Marseille – À Saint-Bruno La Salle, un héritage plus vivant que jamais

Marseille – À Saint-Bruno La Salle, un héritage plus vivant que jamais

Au collège Saint-Bruno La Salle à Marseille, l’éducation chrétienne lasallienne n’est pas un vain…

IA et enseignement : un outil incontournable mais encadré

IA et enseignement : un outil incontournable mais encadré

L’intelligence artificielle (IA) a envahi silencieusement le monde de l’éducation par le biais des…

Education, recherche, spiritualité :  l’ICP ouvre un nouveau centre universitaire avec les Frères des Écoles chrétiennes

Education, recherche, spiritualité : l’ICP ouvre un nouveau centre universitaire avec les Frères des Écoles chrétiennes

Un lieu de recherche pluridisciplinaire et de formation Pour parfaire l’éducation des jeunes, mais…

Suivez-nous sur nos réseaux

logo de la fondation la salle