Questions d’histoire
Questions d’histoire
Depuis plus de trois siècles, les écoles lasalliennes ont essaimé peu à peu dans diverses villes de France. Chacune a son histoire !
Retrouvez également une nouvelle page d’Histoire dans La Salle Liens International, le magazine d’éducation lasallien.
Alès
« Ton école d’Alès a 300 ans ! »
« Trois cents ans que notre école existe. Incroyable durée dont très peu d’établissements scolaires peuvent se prévaloir… » La célébration du tricentenaire s’est déroulée le 27 avril 2007 ; elle inscrit le présent dans une histoire mouvementée et riche.
Au milieu des tensions religieuses
C’est dans un contexte de guerre des Camisards et après le « siège d’Alais » que Jean-Baptiste de La Salle envoie deux Frères à « Alais » (graphie de l’époque) pour y tenir une école communale.
Il répond en même temps à la demande de Monseigneur de Saulx qui veut consolider la croissance catholique en Cévennes, le bien-être de la population, aux secours pour les plus pauvres.
L’école sera ouverte en octobre 1707 dans la maison d’un certain M. de Gaujac ; moins de quatre ans plus tard, elle déménage dans l’immeuble de Jaussaud-Cauvel, rue Bouquerie. Le Fondateur visitera ses Frères d’Alès par deux fois : septembre 1711 et avril 1712.
Jusqu’en 1724, les Frères sous la direction du Frère Bernardin sont au nombre de trois pour deux classes. À cette date, face au nombre élevé de garçons qui fréquentent l’école (peut-être cent cinquante), le Conseil de la commune sur requête de l’Évêque vote un subside de 200 livres pour la création d’une troisième classe, avec un quatrième Frère. L’école déménage plusieurs fois avant de s’installer place Saint-Nicolas, en 1753.
En 1790, l’école compte 260 élèves. Les Frères ont alors essaimé dans les environs, en particulier à Rochebelle et à Salindres. Mais, dans cette période révolutionnaire, les Frères sont remplacés, en lieu et place, par trois instituteurs. Certains Frères ont peut-être continué à enseigner dans quelques familles. En octobre 1804, quatre maîtres d’école primaire sont à nouveau installés par la mairie d’Alès ; l’école est payante.
(Les Frères seront installés dans cette maison,
rue de la Peyrollerie, à la fin du 18ème siècle, avant la Révolution)
Renouveau, développement, suppression
En 1818, le curé de la cathédrale achète une partie du potager de l’évêché d’Alès et y installe les Frères (rue Taisson) ; l’école pourra ouvrir en 1721, avec 200 élèves. Le 1er mai 1839, une succursale voit le jour rue de la Fabrerie, dans un quartier très fréquenté. Le développement se confirme.
En 1845 les premiers cours du soir sont institués pour les adultes.
En 1856, le nombre d’élèves dépasse 500. Les Frères installent le Pensionnat Saint-Louis de Gonzague, rue Florian. Le Frère Troyen, directeur à cette époque, prône un enseignement intermédiaire, moitié technique, moitié théorique qu’il appelle « enseignement spécial » ; plus tard on le désignera sous le nom de « lycée technique et professionnel ».
Mais les oppositions aux écoles catholiques ou protestantes se développent. Le 8 octobre 1879, le Conseil municipal d’Alès vote la laïcisation des écoles de Frères. Les effectifs de leurs écoles sur la ville étaient alors de 12 classes et 639 élèves. Les Frères doivent partir. Ils se réfugient au Pensionnat de la rue Florian.
Des périodes contrastées
Après les lois contre les congrégations de 1904, des familles amies rachètent, en 1912, les immeubles de la rue Florian. Le pensionnat Saint-Louis de Gonzague prend pour nom » École Fléchier ». On y assurera le primaire et le secondaire. L’école va connaître un grand dynamisme. On y prépare le baccalauréat et l’entrée à l’École des mines.
Après la guerre de 1939-1945, le collège Fléchier s’oriente vers l’apprentissage. L’établissement a quelques difficultés. Le nombre d’élèves diminue.
À partir de 1956, le Frère Étienne, nouveau directeur, venu de Nantes, relance l’école ; il développe des sections techniques. L’école Fléchier prend pour nom École Technique de La Salle.
• En 1979, l’école deviendra Lycée. Le Frère Étienne restera à la tête du lycée jusqu’en 1983. II y a alors 658 élèves et 65 maîtres. La direction est alors confiée à un laïc ; la tutelle reste lasallienne.
Depuis, un nouvel essor jalonné par plusieurs étapes :
• en 1986, le lycée s’ouvre à l’enseignement supérieur avec le BTS ;
• en 1989, il s’ouvre à l’entreprise avec un centre de formation continue ;
• en 1995, une section d’apprentissage s’ajoute aux autres formations.
Depuis le lycée comprend plus de 1000 élèves et une centaine d’enseignants ou formateurs et il développe quelque 30 000 heures de formation de stagiaires
Aujourd’hui il n’y a plus de Frères à Alès, mais l’œuvre lasallienne continue. La guerre des Camisards est terminée et pour fêter les 300 ans d’existence, une cérémonie oecuménique est programmée.
Ouverture d’une nouvelle page d’histoire…
Frère Jacques Bultet
Cette page trouve ses sources essentielles dans le livre coordonné par M. Hugues Esbalin : »ton école d’Alès a 300 ans ! »
Amiens
Une histoire mouvementée
De Révolution en loi contre les congrégations enseignantes, les Frères n’ont connu, en 250 ans d’histoire chahutée à Amiens, que 175 ans de présence réelle.
Leur dernier retour, avec l’école-collège « de La Salle », date de 1957.
Les Frères sont appelés à Amiens dès 1748, mais n’arrivent qu’en 1759. Ils commencent avec deux classes. Ce qu’on attend d’eux : qu’ils enseignent aux enfants pauvres « la lecture, l’écriture, l’arithmétique et aussi la religion catholique apostolique et romaine ».
Du fait de leurs tricornes, leur école sera dénommée la « Maison des grands chapeaux ». L’école se développe jusqu’à compter cinq classes en 1779 (pour 350 élèves et six Frères). La décennie qui précède la Révolution voit l’ouverture de trois autres écoles dans les diverses paroisses de la ville.
Aller et retour
Comme ailleurs, le principe de gratuité est source de jalousie de la part des autres maîtres d’école, qui reprochent aux Frères d’accueillir des enfants de familles aisées. La Révolution trouve à Amiens quinze Frères enseignant à 800 enfants, dans quatre écoles. Le refus de prêter le serment conduit à leur fermeture, dès avril 1791.
1812 voit le retour des Frères, au nombre de trois d’abord, comme le veut l’usage, qui préfère commencer petitement. Mais d’autres vont régulièrement être envoyés, permettant l’ouverture de plusieurs écoles dans la ville, suivant le désir de la municipalité. Un cours d’adultes est créé en 1846 : quatre classes pour 300 élèves. Un patronage pour les loisirs vient compléter le dispositif.
En 1879, toutes les écoles de la ville sont laïcisées.
Commence pour les Frères le temps des » écoles libres », qui vont se multiplier.
L’une d’entre elles devient, en 1887, le pensionnat Saint-Joseph. Mais en 1904, du fait de l’interdiction d’enseigner faite aux congrégations, les Frères doivent abandonner leurs écoles.
Pendant cinquante ans, des tentatives pour leur retour n’aboutiront pas. Jusqu’en 1957 où, rue du Cange, dans un ancien établissement de religieuses mis à leur disposition, ils accueillent 250 élèves à leur première rentrée. L’école « de La Salle » est née.
Valeurs lasalliennes
En cinquante ans, elle ne cessera de se structurer et de s’agrandir, et dépassera un temps le millier d’élèves(en 1977, elle célébra ses vingt ans avec 1100 élèves en 45 classes), tandis que ne cesseront les mutations et extensions, les embellissements de locaux, les installations rendues plus rationnelles et modernes (enseignement technologique, équipements sportifs…).
• Cinquante années ponctuées aussi de grands moments festifs : fête francobelge, festival franco-écossais, prix de l’école fleurie, kermesse alsacienne, etc.
• Cinquante années d’efforts pour une meilleure formation chrétienne : organisation de la catéchèse, centre pastoral, oratoire…
Aux Frères ont succédé – dans cette école-collège qui accueille aujourd’hui 650 élèves – des responsables laïcs toujours soucieux des valeurs lasalliennes, et d’une offre éducative diversifiée : section sportive scolaire, accueil des élèves intellectuellement précoces, aide et soutien…
Frère Francis Ricousse
Angers
Une présence chahutée
Ne demeurent aujourd’hui qu’un collège, celui de la Cathédrale Saint-Maurice, et une communauté de Frères. Mais l’histoire de la congrégation à Angers a été riche et… chahutée.
Appelés par l’évêque d’Angers, les Frères des Écoles Chrétiennes s’établissent en 1741 sur la paroisse de la Trinité. Pour développer l’école primaire, le Directeur transporte sa communauté sur la paroisse Notre-Dame de l’Esvière, et ouvre un pensionnat « libre » avec une autre école gratuite, et un enseignement professionnel (commerce et navigation). Un an plus tard, il doit ouvrir une « pension de force », pour des jeunes et des adultes placés par la justice.
Écoles confisquées, écoles recréées
En 1782, l’œuvre se transporte à la Rossignolerie, paroisse Saint-Julien. En 1791, la Révolution supprime l’Institut des Frères, mais ceux de la Rossignolerie sont obligés de rester à leur poste, de peur que soient relâchés les individus de la pension de force, dont plusieurs aliénés. Fin 1792, ils deviennent les gardiens de 123 prêtres réfractaires (qui refusent le serment exigé du clergé) ; et fin 1793, des enfants des Vendéens. Finalement, ils doivent se disperser, et la Rossignolerie deviendra, en 1806, le célèbre collège David d’Angers.
Revenus en 1818, les Frères sont logés au tertre Saint-Laurent en 1820. Ils reçoivent bientôt la charge de trois autres écoles gratuites, Saint-Maurice, Notre-Dame et Saint-Joseph : 1 400 élèves et 230 adultes en 1853. Les écoles sont laïcisées en 1891, et la ville en confisque les locaux, appartenant aux paroisses ! Mgr Freppel riposte en ouvrant trois nouvelles écoles : Notre-Dame, Saint-Jacques et Sainte-Thérèse. La communauté du tertre Saint-Laurent disparaît en 1890 : seule demeure alors celle de Saint-Maurice (la communauté Saint-Serge débutera en 1897).
Œuvres de jeunesse chrétienne
Cette école Saint-Maurice, commencée en 1822, a été en effet transférée rue des Jacobins par Mgr Freppel en 1873, et est devenue alors une communauté autonome : le Frère Pierre Célestin lance le mouvement de la Jeunesse Chrétienne, qui durera jusqu’en 1953, et l’Amicale, qui existe encore. En 1894, l’établissement se développe du côté de la rue du Vollier. Après 1904, l’école continue avec des Frères « sécularisés » qui, pour enseigner, ont dû déclarer quitter l’Institut et renoncer au port de la soutane.
Entre 1913 et 1933, les Frères ajoutent au collège la maîtrise de la cathédrale (école de chant religieux). Et en 1943, le collège prépare l’ouverture d’une section technique commerciale.
Mais la demande instante faite par Mgr Chapoulie aux Frères du District de Nantes, de prendre par ailleurs en charge l’école technique Saint-Julien (qui est transférée en 1960 à La Baronnerie, à Saint-Sylvain-d’Anjou), en freine le développement.
Deux petites écoles – Saint-Laud (devenu Saint-Germain, boulevard de Strasbourg) et Saint-Pierre (sur la paroisse de Trinité) – voient partir leurs deux Frères en 1939. Les Frères restent à l’école Saint-Joseph, rue Franklin, jusqu’en 1957. Aujourd’hui, demeure une seule communauté de Frères, proche du collège de la Cathédrale Saint-Maurice, dernier établissement angevin sous tutelle lasallienne.
Avignon
Tourments et renaissances
Il serait vain de vouloir suivre en détail les Frères et leurs maisons pendant plus de 300 ans… Quelques flashes suffiront à montrer l’importance qu’a tenue la Cité des Papes dans l’histoire de l’Institut.
En 1703, M. de Châteaublanc, trésorier des États du Pape, obtient de M. de La Salle trois Frères pour tenir une école à Avignon. Elle croît vite : en 1705, une maison sur la paroisse Saint-Pierre, capable de loger 20 Frères, leur est attribuée. Le Directeur en est bientôt le représentant (Visiteur) du Fondateur, pour toutes les maisons du Midi. Et les Supérieurs généraux entre 1720 et 1797 – Timothée, Claude (élu en 1751), Florence (1767) et Agathon (1777) – sont, lors de leur élection, Directeurs ou Visiteurs d’Avignon.
Écoles de quartier
En 1729, le Frère Timothée ouvre rue Dorée un noviciat qui, jusqu’en 1791, inscrira 776 entrées. En 1780, cette maison compte cinquante Frères : vieillards, novices, malades et Frères employés aux écoles gratuites, sur place ou dans de nombreuses « écoles de quartier », où ils se rendent matin et après-midi. En 1791, le Comtat Venaissin se donne à la France en pleine Révolution, et bientôt toutes ces œuvres sont supprimées, les Frères dispersés, les traces du christianisme effacées. En avril 1805, le maire d’Avignon désirait « que l’instruction dans les Écoles primaires fût exclusivement confiée, comme elle était antérieurement, à un établissement des Frères des Écoles chrétiennes ». Le Préfet du Vaucluse lui obtient des Frères fin 1810. En 1818, la Municipalité loge, dans l’ancien couvent de la rue des Ortolans, les Frères et le Noviciat nouvellement rouvert. Jusqu’à la suppression de l’Institut en France en 1904, le noviciat d’Avignon accueillera plus de 3 100 jeunes, qui iront enseigner dans le Midi, les pays de mission et l’Espagne (Baléares).
Exode et retour
En 1832, le Conseil municipal crée un cours élémentaire pour adultes et le confie aux Frères de la rue Dorée. Six Frères s’en occupent bientôt, vu le succès de ce cours. Même des militaires le fréquentent. Avec l’école de la place Pie, ancienne caserne Saint-Jean, cela fait en 1840 plus de 1 200 jeunes élèves, les petites classes de chaque école ayant 200 élèves : il faut ouvrir deux autres écoles dans la ville, et deux dans des villes proches ; les Frères obtiennent l’autorisation d’ouvrir un pensionnat, dont les revenus aideront à les faire fonctionner. En 1868, cet internat s’établit rue Calade.
Quand les lois Ferry (à partir de 1880) laïcisent les écoles municipales, les curés créent des écoles paroissiales et les Frères dirigent les écoles de garçons. La loi de 1904 supprime l’Institut en France : les Frères sont autorisés à conserver leur maison de retraite rue Notre-Dame des Sept Douleurs, tandis que le District d’Avignon se transporte largement en Espagne ; et l’action des Frères devient peu visible à Avignon. Le Frère Savinien, célèbre spécialiste de l’occitan, y redevient en 1908 Mr Lhermite pour reprendre son poste d’inspecteur des écoles catholiques.
Les effets de la loi, après guerre, se sont peu à peu dissipés. Aujourd’hui, le pensionnat, installé entre temps rue Notre-Dame des Sept Douleurs, est devenu l’ensemble scolaire Saint Jean-Baptiste de La Salle, présent en fait sur trois sites : 1 700 élèves en école-collège-lycée-supérieur, rue Notre-Dame des Sept Douleurs ; 300 en collège, boulevard Montesquieu ; et 170 en école, chemin Saint Geniès.
Frère Alain Houry
Bayonne
Une histoire sans frontières
Établis en terre basque du nord, réfugiés au sud lorsqu’ils ne purent plus enseigner en France, puis revenus au pays, les Frères accueillent depuis bientôt deux siècles élèves français comme espagnols.
Les Frères arrivent à Bayonne en 1820
C’est pour l’enseignement élémentaire des « classes populaires » qu’on les avait demandés, suite à un large accord entre le clergé et la bourgeoisie marchande de la ville.
Une souscription permet de faire face à la dépense : traitement de trois Frères, ameublement… jusqu’à ce que la municipalité s’engage à son tour. Comme souvent, les débuts sont modestes : pendant cinq ans, deux classes dans les cloîtres de la cathédrale, avant que la ville ne consente à y affecter les locaux de l’ancien petit collège. L’école, dès lors, ne cessera de prospérer.
Au-delà de l’Adour, dans les Landes, était la petite ville de Saint-Esprit, aujourd’hui quartier de Bayonne. Les Frères y sont appelés en 1839, ouvrant un pensionnat dès 1856, avec mission de fournir aux entreprises de commerce de Bayonne et des environs leurs futurs cadres et personnels qualifiés.
Bien vite, le lieu se révèle trop petit. Près des remparts, l’hôtel Dubrocq devient alors Saint-Bernard, recevant 250 élèves, dont bon nombre d’Espagnols venant y recevoir les leçons de français, et cette formation commerciale et pratique qui fait la renommée du pensionnat.
Obligés de quitter la France
En 1905, il faut se résigner à fermer les portes : les Frères ne sont plus autorisés à enseigner en France. C’est en Espagne proche, à l’entrée de Saint-Sébastien (Donostia San Sebastian, capitale de la province basque de Guipûzcoa), qu’ils élèvent leurs nouveaux locaux. Les Français y viennent, plus nombreux encore, et les Espagnols affluent. Mais bientôt, arrivent de nouveau des jours sombres, de nombreux professeurs devant rentrer en France pour répondre à la mobilisation de 1914. Le retour à Bayonne reste cependant l’objectif. En 1917, est acquis le domaine de Charlestéguy, au quartier Saint-Léon. Disposant d’une maison d’habitation, de communs importants et d’un grand parc, s’y établit dès 1919 une annexe du collège de Saint Sébastien, dénommé le petit Saint-Bernard.
Retour à Bayonne
Après moult péripéties, vient le temps de quitter Saint-Sébastien. En 1928, dans un majestueux bâtiment flambant neuf, la rentrée ne se fait à nouveau qu’à Bayonne.
Et la vie continue, avec sa double communauté française et espagnole, un double enseignement aussi – la préparation du baccalauréat et l’enseignement commercial.
Un bel équilibre rompu par de nouveaux troubles, la guerre d’Espagne d’abord, le conflit mondial ensuite : difficulté pour les élèves espagnols de venir à Bayonne, mobilisation des professeurs, réquisition pour servir d’hôpital militaire, occupation par les troupes allemandes…
À partir de 1945, il faut réaménager les locaux, et faire face à la diminution du nombre des Frères. Mais l’enseignement conduit aux mêmes succès, axé davantage sur la préparation du baccalauréat, avec prédominance des disciplines scientifiques.
Quelques années plus tard enfin, la réorganisation de l’enseignement catholique de Bayonne ne conserve à Saint-Bernard – ou plutôt La Salle Saint-Bernard, sa nouvelle appellation – que les classes du primaire et du collège.
Et c’est avec quelque 1300 élèves, dont une vingtaine d’internes, que l’établissement vient de fêter ses 150 ans.
Frère Francis Ricousse
Besançon
Deux siècles de floraison d’œuvres
Comme en beaucoup de villes, ce sont les municipalités, en lien avec les paroisses, qui ont d’abord fait appel aux Frères. Une présence de deux siècles de soubresauts.
En 1705, pour fuir les tracasseries parisiennes, Monsieur de La Salle installe sa congrégation naissante à Saint-Yon, dans la banlieue de Rouen. De là, viendront les premiers Frères en Bourgogne-Franche-Comté.
Après la Révolution, quand la détente s’amorce, la vie chrétienne reprend. L’archiprêtre de la cathédrale de Besançon fait appel à l’Institut pour doter sa paroisse d’une école gratuite pour les garçons. Trois Frères arrivent en juillet 1806, et l’ouverture de l’école Saint-Jean se fait le 15 du mois. Dès le début, et malgré l’inconfort des locaux, c’est le succès : 200 élèves.
Problème de méthodes
Comme les Frères sont reconnus par l’État et l’Université, ils sont aussi demandés par les municipalités, en lien avec les paroisses, pour tenir les écoles communales.
En 1820, le maire de Besançon demande deux Frères, qui seront rémunérés par la ville. Cette nouvelle école prend le nom de Saint-Pierre.
Les Frères utilisent la méthode simultanée : le maître s’adresse à un groupe d’élèves de même niveau. Or, à cette époque, il y a des adeptes d’une nouvelle méthode dite mutuelle, ou Lancaster. Un seul maître pour un grand nombre d’élèves, voire plusieurs centaines. Le maître s’adresse à un petit groupe de moniteurs, qui vont ensuite redistribuer leur savoir à des sous-groupes. Besançon et le Conseil Général encouragent la méthode, et lui votent des crédits importants. Les Frères, fidèles à la « simultanée », voient leurs subventions supprimées…
Finalement, le Conseil municipal, dans sa séance du 17 août 1837, les rétablit, reconnaissant « que la bonté de la méthode des Frères n’était plus un problème, et qu’elle était appréciée des chefs les plus expérimentés de l’Instruction Publique. »
Savoir-faire reconnu
Le 18 janvier 1866, à la demande du Préfet et du Conseil Général, les Frères reprennent l’École des Sourds-muets.
À cette époque, on compte sept écoles de Frères dans le Doubs, six dans le Jura, huit en Côte d’Or, sept en Haute-Saône, quatre en Haute-Marne et une dans les Vosges, à Épinal ! Les Frères ne se contentent pas de « faire la classe ». Ils prennent en charge des activités culturelles ou sociales : cours d’adultes, études et devoirs surveillés, cours du soir pour les militaires, œuvre des apprentis le dimanche, tout cela avec l’aide de laïcs.
En 1904, nouvelle épreuve, avec l’interdiction d’enseigner pour les congréganistes.
Les Frères s’expatrient, au Canada principalement. La plupart des autres écoles continueront avec des prêtres, des maîtres laïcs et des Frères sécularisés. Les rabats blancs réapparaîtront en 1940.
Au cours des trois dernières guerres (1870, 1914, 1939), la maison Saint-Claude de Besançon fut par ailleurs réquisitionnée comme hôpital de campagne.
Un rapport de l’abbé Lalloz témoigne que « les Frères ont été admirables de dévouement. » La maison fut aussi un relais dans une filière de « passeurs », au cours de la guerre 39-45. Le Frère Maurice Lacomme, ancien Visiteur, en était l’agent responsable et discret.
Actuellement, à Saint-Claude, subsiste une communauté de 30 Frères en retraite, dans une maison qui a accueilli jusqu’en 2004 l’école Saint-Bernard, dernière école de la ville sous tutelle lasallienne.
Frère Joseph Bonnet
Béziers
Fondations fécondes
Les Frères ont connu ici, en près de 200 ans, tant les chemins de la gloire – leur réputation éducative avait conduit la municipalité à faire appel à eux – que la route de l’exil vers l’Espagne.
Les Frères n’avaient pas tenu d’œuvres à Béziers avant la Révolution. Leur réputation suffit cependant au curé de la cathédrale Saint-Aphrodise, Jean-Jacques Martin, qui fournit en 1820 les locaux d’une école, et obtint de la municipalité qu’elle prenne en charge le traitement de trois Frères. Tel est leur succès qu’en 1821 le Conseil municipal demande deux autres Frères, et prépare un terrain pour un nouvel établissement, afin « que la classe indigente jouisse au plus tôt des bienfaits de cette excellente éducation ».
Pensionnat modèle
L’abbé J-J Martin meurt en 1824, en léguant à l’Institut la propriété où il a installé l’école gratuite, à condition que les Frères y ajoutent un pensionnat. Ce sera en 1831 le PIC (Pensionnat de l’Immaculée Conception), pépinière de tant d’autres pensionnats en France. Le rayonnement de son directeur, Frère Leufroy, amène une remarquable expansion, tant du pensionnat que des écoles qu’il ouvre à Béziers et dans les villes voisines. En 1847, Béziers devient logiquement le centre d’un nouveau District des Frères, pour la région du Bas-Languedoc. F. Leufroy, Visiteur des Frères, tout en restant Directeur du PIC, obtient dès 1856 la création d’un noviciat, qu’il installe aux portes de Béziers, à Fonseranes. Là où s’ajouteront, en 1873, un petit noviciat (pour des 13-15 ans) et, en 1881, un scolasticat (maison d’études pour jeunes Frères).
Transferts et suppressions
Entre 1880 et 1891, les écoles communales jusque-là tenues par les Frères sont laïcisées ; mais parallèlement, autant de nouvelles écoles libres sont établies sur des bases financières assez saines pour conserver la gratuité (quartiers Saint-André, Saint-Jude, Saint-Michel et Saint-Joseph), sauf à l’école Saint-Nazaire où il faut demander aux familles une petite rétribution. En 1906, toutes ces écoles sont néanmoins fermées par décret, dans le cadre de la suppression de l’Institut des Frères en France : 23 Frères et plus de 600 élèves sont concernés. Quant au PIC (43 Frères et 223 pensionnaires), il est supprimé en 1907 : une partie des locaux sert de maison de retraite pour Frères âgés, une autre est réquisitionnée en 1913 comme caserne provisoire. Élèves et professeurs du PIC se transportent en Espagne, à Figueras : le Frère Louis-de-Poissy, ancien de Béziers et Assistant du Supérieur général, s’est employé à transférer à l’étranger tous les Frères actifs du District de Béziers. Quant à Fonseranes, les 88 Frères et 94 petits-novices ont, dès 1904, vidé les lieux, dont une partie est louée comme clinique en 1910 ; pendant la guerre de 14, les locaux de la Procure servent aussi de prison pour Allemands et Turcs.
Vers le second centenaire
À partir de 1922, les Frères reviennent et rouvrent le pensionnat du PIC à Béziers, place Saint-Aphrodise ; et à Fonseranes, la maison de retraite des Frères. L’ensemble scolaire PIC La Salle, résultant de la fusion, en 1980, du PIC et du Sacré-Cœur, compte aujourd’hui plus de 1 000 élèves, tous externes. Et demeure la communauté des Frères de la Maison de Retraite, à Fonseranes.
Frère Alain Houry
Boulogne-sur-Mer
300 ans d’œuvres
Depuis 300 ans, parfois contre vents et marées, portés souvent par un courant de reconnaissance, les Frères oeuvrent dans les pas de Jean-Baptiste de La Salle.
Boulogne-sur-Mer est fière d’avoir accueilli, en 1716, M. de La Salle : le 26 août 1958 était baptisé, à Boulogne, un beau navire de pêche, le « Saint-Jean-Baptiste de La Salle » ! Autre fierté de la ville : le premier Frère martyr, Nicolas Le Clercq, Bienheureux Frère Salomon, né en 1745, a été l’élève des Frères de Boulogne.
La Ville réclame les Frères
Ceux-ci, arrivés en 1710, sont bientôt six : deux pour une école en Haute Ville, rue d’Aumont, et quatre au quartier dit « des Carreaux », en Basse Ville. Ils y résident jusqu’à la Révolution. Ennuis avec l’évêque janséniste Mgr de Langle, qui leur interdit un temps d’enseigner, difficultés avec la Ville, qui ne verse pas aux Frères ce qu’il leur faut pour vivre ou qui fait payer une rétribution aux élèves du cours commercial créé en 1744 : rien de cela ne nuit à l’estime que la population porte aux Frères. En 1774, une troisième école s’ouvre à la Beurrière, quartier du Vivier : bien des « fils de pauvres artisans, de manœuvres et de matelots », affirme un rapport officiel, sont, grâce aux Frères, devenus prêtres, commerçants, pilotes ou capitaines. Quand les onze Frères sont chassés par la Révolution, ils ont près de 500 élèves.
Dès 1802, la Ville réclame à nouveau ces hommes qui se livraient « à l’instruction des pauvres ». Il en arrive six en 1810 « aux Carreaux ». Et en 1812, se rouvre l’école à la Beurrière. Trop d’élèves : la Ville vend les deux maisons et, en 1833, regroupe classes et Frères place Navarin, tandis que continue, en Ville Haute, l’école rue d’Aumont. En 1845, s’ouvre une nouvelle école, rue de Constantine, au quartier Capécure. La paroisse Saint-Nicolas, où est né Frère Salomon, possède son école cour Baret en 1854 (avec un cours d’adultes en 1856). Le Maire obtient encore, en 1861, des Frères pour une école dans le quartier de Bréquerecque. Mais l’Externat du Vénérable De la Salle, 19 rue de l’Amiral Bruix, n’aura qu’une existence éphémère (1876-1884).
Collège Godefroy-de-Bouillon
C’est qu’à partir de 1875, l’Administration change d’attitude. La Ville avait attribué des récompenses : médaille d’argent en 1838 au Frère Odilon, prix d’honneur en 1872-1774 à trois autres Frères Directeurs. En 1880, le Conseil municipal vote la laïcisation des écoles communales. Les Frères ouvrent donc des écoles « libres » : rue de Rivoli, rue du Camp de Droite et rue de l’Oratoire. Finalement, ils se retrouvent boulevard de Clocheville, dans l’immeuble des « Tintelleries ».
En 1900, Boulogne célèbre solennellement la canonisation du Fondateur des Frères, mais en 1904-1906 tous les Frères doivent partir.
Plus de dix ans de démarches de l’évêque et d’un armateur, ancien élève, précèdent ensuite l’ouverture, en 1934, de l’école Godefroy-de-Bouillon, avec des Frères et des maîtres laïcs – primaire supérieur et section commerciale, puis CAP de Patron de Pêche -, d’abord rue Nationale, puis 57 boulevard Clocheville (pendant la guerre), enfin 82 rue Nationale. Les Frères ont quitté Boulogne en 1992, mais le collège Godefroy-de-Bouillon continue l’action lasallienne, et en fête cette année le tricentenaire.
Frère Alain Houry
Bourges
280 ans de mission éducative
Appelés dès 1720, c’est en 1736 que les Frères ouvrent une école rue Saint-Sulpice puis rue Saint-Ambroix où ils accueillent des pensionnaires car les rétributions des paroisses sont insuffisantes.
En 1762, les Maîtres Écrivains s’opposent à ce que des élèves du collège passent chez les Frères. Ceux-ci doivent réduire le nombre de leurs classes. Avant la Révolution, les quatre classes comptent 500 élèves ! En 1792, les Frères qui refusent de prêter le Serment révolutionnaire sont déchus de leur fonction et de leur retraite. Plusieurs se sécularisent et poursuivent l’enseignement.
Dès 1808, d’anciens Frères demandent la reconnaissance de la municipalité. Les négociations avec l’Institut n’aboutissent qu’en 1823 : ouverture de deux classes, puis d’une troisième, prises en charge par la ville. En 1833, forte baisse des aides municipales au profit de l’école mutualiste. Les Frères poursuivent avec divers subsides. En 1835, la ville rétablit leurs traitements ; les effectifs augmentent : plus de 600 élèves dans cinq classes. Quand la municipalité veut établir la rétribution scolaire pour les familles, les Frères refusent.
1881, laïcisation des écoles congréganistes. Une dizaine de Frères ouvrent des écoles privées payantes ou gratuites grâce à un comité de soutien : en 1889, quatorze classes et dix-sept Frères. En 1900, fermeture du pensionnat des Jacobins car les locaux sont inadaptés. En 1904, suppression des congrégations enseignantes et fermeture de l’école de La Salle. En octobre, propriété de la Société de l’Enseignement libre du Berry, elle rouvre ses portes avec un personnel sécularisé. Malgré les poursuites des Frères pour fausse sécularisation, l’école se développe.
Durant la Première Guerre mondiale, l’établissement, occupé par l’armée et un hôpital, est rendu en ruine en 1919. Des souscriptions permettent de relancer l’école professionnelle avec internat. En 1928, Mgr Izard bénit les nouveaux bâtiments. Durant les années 30, malgré la crise, les effectifs progressent régulièrement avec plus de 400 élèves dont 125 internes en 1937. L’acquisition de la campagne Saint-Joseph à 2,5 km, Butte d’Archelet, permet de développer l’établissement. Octobre 1939-juin 1940, l’internat est occupé par l’armée puis par des réfugiés. Situé en Zone Occupée à la limite de la Ligne de Démarcation, il perd beaucoup d’internes. Puis, malgré la guerre, les locaux s’améliorent et les effectifs progressent.
Frère Paul Rouquette, présent de 1937 à 1977, marque de nombreuses générations d’élèves. Après 1957, création du collège de La Salle, Butte d’Archelet. Vers 1970, sur le même site, Frère Jean Guillot doit faire des choix difficiles pour adapter l’enseignement technique. En 1977, l’arrivée d’une section commerciale participe à la féminisation des formations. C’est aussi le départ de la communauté des Frères. Actuellement, le groupe scolaire Saint Jean-Baptiste de La Salle comprend l’école primaire Sainte-Marthe, un centre de formation continue depuis 1989, un collège depuis 1993, un lycée professionnel avec BTS.
Frère Michel Chaussier
Photo : Les élèves à la campagne Saint-Joseph, Butte d’Archelet, avant 1939.
Brest
Poursuivre l’oeuvre
Les Frères sont présents à Brest depuis 1746. Ils ont développé une attention à l’éducation populaire et proposé des formations qualifiantes. Un esprit et une démarche qui perdurent.
Recouvrance, Lambézellec et Saint-Marc font maintenant partie de Brest.
Venus en 1746 à Brest et en 1749 à Recouvrance, pour une jeunesse qui manque d’instruction, les Frères tiennent, en 1754-1760, « l’école des Bleus » pour les élèves officiers d’administration de la marine, en plus des deux écoles. La Révolution fait partir les Frères.
« Rebondir » pour répondre aux demandes
En 1822, ils retrouvent leur ancienne maison à Brest : l’école communale se transporte en 1840 sur l’un des points culminants de la ville et accueille bientôt 600 élèves. Société des Secours Mutuels, cours d’adultes, cours du soir pour militaires, école des Pupilles de la Marine (600 internes) s’y ajoutent ; mais, en 1880, la laïcisation des écoles communales en chasse les Frères.
Les Frères étaient revenus à Recouvrance, et y avaient une petite communauté depuis 1867 ; l’école est laïcisée en 1880 et les Frères prennent en charge une école libre. À Brest, commence en 1880 l’école Saint-Georges avec une orientation technique : en 1897, elle devient Saint-Joseph sur un autre site (avec une annexe Saint-Martin en 1899). En 1907, toutes ces écoles sont fermées en application de la loi du 7 juillet 1904.
Toute l’œuvre des Frères va-t-elle disparaître ?
Dès 1865 s’était ouverte « l’école du Pilier Rouge », en accord avec le sous-préfet et le maire de Lambézellec, mais presque clandestinement, dans l’espérance, illusoire, qu’elle serait reconnue comme école professionnelle : il faudra partir en 1879, mais en 1880 naît « La Croix Rouge », qui assure une formation industrielle, et présente bientôt des élèves aux Arts & Métiers. Quand l’école est fermée en 1906, la société civile Notre-Dame de Bonne-Nouvelle se fait reconnaître comme le véritable propriétaire de La Croix Rouge, et des Frères en civil se regroupent pour continuer l’œuvre.
Le Pensionnat est réquisitionné en 14-18 comme hôpital militaire. En 1938, de nouveaux ateliers sont mis en chantier… et l’établissement est encore réquisitionné en 1939 ; en 1940, ce sont les Allemands qui occupent les locaux : le 27 décembre 1941, une bombe explose et 4 Frères sont tués en se rendant à la chapelle. En 1943, il faut aller se réfugier hors de Brest.
À partir de 1945, La Croix Rouge connaît un grand développement, et le niveau des études remonte. Le millier d’élèves est atteint en 1950. En 1961, La Croix Rouge passe avec l’État le contrat d’association, et l’école primaire de Kermaria est ouverte. En 1979, M. Claude Le Bot est le premier directeur laïc ; la communauté des Frères partira en 1992, mais la tutelle lasallienne demeure.
Évolution différente : l’école Saint-Pierre, ouverte en 1897 à Saint-Marc, continue avec des Frères sécularisés ; après le départ des Frères (1979), on aboutit à une fusion avec le collège Charles-de-Foucauld, sous tutelle diocésaine.
Aujourd’hui, La Croix Rouge compte plus de 4 000 élèves et étudiants, avec une équipe d’enseignants et d’éducateurs faisant partie du réseau La Salle.
Frère Alain Houry
Clermont-Ferrand
Diversité d’œuvres éducatives pour un bel ensemble scolaire
Les Frères arrivent à Clermont-Ferrand, en mars 1818 pour ouvrir une école et un noviciat dans le château de Bien-Assis au nord-ouest de la ville. Parmi les premiers novices, sortira saint Frère Bénilde. En 1825, l’école passe dans le quartier de la Pyramide.
Au XIXe siècle, chaque paroisse a son école primaire
En 1826, ouverture de trois classes sur la paroisse Saint-Pierre et deux sur Notre-Dame-du-Port. Puis, en 1828, trois classes vers la cathédrale et une école sur Montferrand (Franc-Rosier en 1889). Et quatre ans plus tard, Saint-Genès-les-Carmes, en 1838, Saint-Eutrope.
Les écoles primaires sont laïcisées en 1883 et les écoles des Frères deviennent privées en 1889. La loi sur les congrégations de 1904 entraîne leur fermeture. Beaucoup sont reprises par des sécularisés. Mais les Frères sécularisés quittent la cathédrale en 1910, N-D du Port en 1919, Saint-Eutrope en 1920 et sont remplacés par des laïcs.
En 1851, la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul avait fait appel aux Frères pour tenir l’orphelinat Saint-André. Il dispose d’un vaste jardin où les élèves s’initient avec succès à l’horticulture. La ville leur attribue des bourses, mais les réduira après la laïcisation des écoles vers 1880. Son arrêt de fermeture est signé en 1911. Les Frères quittent l’orphelinat.
En 1893, ouverture de l’école Saint-Joseph, dans le nouveau quartier de la gare et création du cours supérieur, rue Charras (Jean-Baptiste de La Salle) pour répondre au développement industriel de la ville. Les ateliers sont confiés à des maîtres-ouvriers. Fermé en 1904, il est repris, en 1919, par André Michelin pour les enfants de ses employés, sous la direction du Frère Garnier-Joseph. Puis les locaux seront occupés par le pensionnat.
Le pensionnat Godefroy-de-Bouillon
De nombreuses familles demandaient l’ouverture d’un enseignement secondaire. Ce sera le pensionnat Godefroy-de-Bouillon, en 1849. Frère Annet (François Lagrange) en sera directeur de 1862 à sa mort en 1902. En 1904, les Frères se sécularisent sur place. Ils seront accusés de fausse sécularisation, en 1913, puis acquittés. En 1923, ouverture de sections commerciales et industrielles. Les effectifs passent de 630 à 850 en 1939. L’établissement est alors réquisitionné comme hôpital militaire. Le pensionnat doit s’adapter aux bouleversements. Pendant l’Occupation, il reçoit plus de 1200 élèves dont de nombreux réfugiés. Après la guerre, la difficile reprise économique entraîne la baisse des effectifs du pensionnat. Son développement reprendra dans les années 1960 avec les contrats. Les formations se diversifient. En 1973, le premier directeur laïc est Jean Gardy. La communauté des Frères se retire en 1987. L’école du Franc-Rosier, quant à elle, sera transférée rue de La République en 1953.
Depuis 2009, à la demande de l’Institut des Frères, formation de l’Ensemble scolaire Jean-Baptiste de La Salle qui regroupe les écoles et les collèges du Franc-Rosier et de Monanges, les lycées professionnels Anna Rodier, Godefroy-de-Bouillon et le lycée d’enseignement général et post-bac de Godefroy-de-Bouillon et compte plus de 2650 élèves.
Frère Michel Chaussier
Photo : La musique instrumentale à l’honneur au pensionnat Godefroy-de-Bouillon, Clermont-Ferrand, 1920.
Dijon
Fidélité tricentenaire
Dans la fidélité de leur mission pour les plus pauvres ou en difficulté, les Frères ont développé en trois siècles des œuvres en prise sur ces urgentes attentes.
En 1705, à la demande de M. Rigoley, conseiller des États de Bourgogne, deux Frères ouvrent une école gratuite pour les pauvres sur la paroisse Saint Pierre. Devant le succès, deux écoles vont s’ouvrir sur d’autres paroisses. Mais en 1718, les Maîtres écrivains déposent plainte contre les Frères qui enseignent aussi aux fils de familles qui peuvent payer. Ils seront déboutés.
Vient la tourmente révolutionnaire. Les Frères se divisent. La majorité quitte l’Institut, devenant instituteurs publics. Ce n’est qu’en 1817 qu’ils regagnent Dijon.
Après 1830, la municipalité de Dijon retire ses subventions au profit des écoles mutualistes. Les Frères restent attachés à l’enseignement simultané et à l’action directe auprès des élèves. Ils survivent grâce à l’aide d’une bienfaitrice, Madame Cabiran.
En 1849 s’ouvre, rue Berbisey, le premier pensionnat, payant, pour répondre aux demandes des familles éloignées. En 1855, on compte 10 classes gratuites sur la ville.
Frères exclus, l’œuvre continue
Pendant la guerre de 1870 le pensionnat devient « ambulance » pour les soldats blessés, et les Frères s’engagent comme infirmiers ou brancardiers sur les champs de bataille.
En 1874, face au manque de place rue Berbisey, le Frère Pol de Léon, grand pédagogue et directeur, acquiert le clos Muteau, futur Parc Saint Joseph où le pensionnat est construit. L’œuvre prospère. Mais en 1904, l’enseignement congréganiste est interdit en France. La plupart des Frères quittent Dijon pour le Canada. L’école continue grâce aux enseignants laïcs, à des prêtres et à l’Association des Anciens Élèves.
Pendant la Grande Guerre, l’établissement est réquisitionné comme hôpital militaire. En 1919, le chanoine Contant donne un second souffle à l’école, en développant l’enseignement professionnel. Mais la construction de la grande chapelle va mettre en péril l’équilibre financier de l’établissement. Les anciens élèves font appel aux Frères, qui reviennent en 1931, en habit religieux !
Ouverture au supérieur
Nouvelles réquisitions entre 1940 et 1944. L’après-guerre voit un développement rapide, surtout dans les années 60 avec la généralisation de l’enseignement secondaire.
Vers 1970, l’école primaire s’installe rue Maurice Chaume, et la carte scolaire des établissements catholiques dijonnais se met en place pour répondre à la diversification des formations. Les collèges Saint Joseph et Sainte Ursule fusionnent : un CES de 900 élèves s’élève sur le site de Saint Joseph. Le lycée se spécialise dans les secteurs techniques et industriels, puis s’ouvre sur l’enseignement supérieur – classes de BTS, formations d’adultes en alternance… -, et par l’accueil d’élèves en difficulté dans des classes de 4e-3e préprofessionnelles, préparant une meilleure intégration à l’enseignement technique. Plusieurs Frères y ont enseigné.
Actuellement, même si les Frères ont quitté l’établissement en 2001, le groupe Saint Joseph La Salle, de près de 3 000 élèves, poursuit l’œuvre lasallienne commencée il y a plus de 300 ans.
Frère Michel Chaussier
Grenoble
Trois siècles d’œuvres
Voilà trois siècles, les Frères arrivaient dans la capitale du Dauphiné. Jean-Baptiste de La Salle lui-même y a enseigné, venu s’y ressourcer en un temps de découragement, avant de reprendre sa mission fondatrice.
C’est en 1708 que Jean-Baptiste de La Salle envoie à Grenoble de ces maîtres d’école qui, grande nouveauté, se font appeler « Frères ».
On les cantonne d’abord sur la paroisse Saint-Laurent, faubourg pauvre de la ville, dans des locaux de fortune loués pour le logement et pour les classes par un « Bureau d’administration des Écoles chrétiennes » financé par des personnalités de la ville. Les Frères s’y maintiendront, sur les paroisses Saint-Laurent puis Saint-Hugues et Saint-Louis, ainsi qu’à l’hôpital, jusqu’à la dispersion de la Révolution, en 1792.
Épreuves surmontées
En 1711, les Frères de Grenoble reçoivent Monsieur de La Salle, au retour d’un périple dans le Midi. Il revient de nouveau en 1713, y demeure environ un an, découragé par diverses épreuves rencontrées à Paris.
L’abbé Yze de Saléon, vicaire général, connu à Saint-Sulpice, l’encourage à séjourner près de l’ermitage de Parménie, retraite au terme de laquelle il se décide à regagner Paris, et y reprendre sa mission auprès des Frères.
La restauration de l’Institut, commencée à Lyon en 1802, voit le nombre des Frères augmenter lentement. À Grenoble, on obtient leur retour dès 1807. Ils y demeurent tout au long du XIXe siècle, malgré une municipalité de plus en plus hostile, qui leur enlève leurs écoles en 1879, entraînant ainsi l’ouverture de plusieurs écoles libres.
En 1835 est fondée l’oeuvre Saint-Joseph pour l’éducation d’enfants orphelins. Les Frères la prennent en charge en 1842. L’accueil d’élèves payants, car plus fortunés, et formant un groupe à part quant au règlement, conduit à la construction, en 1888, dupensionnat Jean-Baptiste de La Salle, au carrefour dit de l’Aigle. Quant à l’oeuvre Saint-Joseph, revenue à sa vocation première, elle poursuit sa mission jusqu’en 1953, grâce au dévouement des Frères. La vétusté des locaux, le manque de ressources, la diminution du nombre de Frères, conduisent à sa fermeture en 1953.
Continuité lasallienne
Le nouveau pensionnat de l’Aigle, propriété d’une société civile, n’aura pas à subir le coup d’arrêt de la loi de 1904 contre les congrégations.
Devenu le pensionnat Saint-Michel, les Frères y continuent leur mission sous leur nom civil et le costume laïque.
Fête des 50 ans en 1938,
réquisitions de la guerre,
- incendie partiel en 1952…
l’École de La Salle, qui a repris son nom primitif en 1953,
s’adapte :
• en 1972, carte scolaire et mixité obligent, « l’Aigle » perd son primaire et son second cycle, pour devenir un « gros » collège de 930 élèves.
• en 2005 : les Frères se retirent… Ère nouvelle, dans la continuité lasallienne.
Évoquons enfin l’École Libre d’Apprentissage de Grenoble, fondée par l’abbé Cayère, et où les Frères vont oeuvrer de 1949 à 1960, ne pouvant hélas s’y maintenir au-delà.
Frère Francis Ricousse
Lille
Vaillance et renommée
Bientôt deux siècles de péripéties mouvementées pour les Frères, entre écoles communales et écoles « patronales » au XIXe, mais une présence toujours renommée.
Après plusieurs demandes de la municipalité lilloise, une première école ouvre en juillet 1819, puis deux autres classes en décembre. Le succès est immédiat. Mais après 1830, les écoles mutuelles – moins coûteuses – l’emportent, et les subventions aux Frères sont supprimées.
Un « Comité des écoles » se met en place et recueille des souscriptions ; ces écoles sont souvent considérées comme écoles des « patrons d’industries ». Vers 1850, déçue par les écoles mutuelles, la municipalité subventionne à nouveau les écoles des Frères mais les anticléricaux réclament aux Frères le Brevet de capacité pour enseigner. Beaucoup n’ont que l’obédience du Supérieur.
En 1868, nouvel arrêt des subventions de la ville. L’augmentation rapide des effectifs oblige les écoles à de fréquents changements de locaux, d’où la difficulté à les situer.
Épreuves…
En 1867, la comtesse de Grandville cède aux Frères l’Hôtel de la Monnaie, qui devient l’internat Saint-Pierre et compte bientôt 340 pensionnaires. La Chambre de Commerce leur demande une école commerciale et industrielle qui ouvre en 1880. Un projet d’École Catholique d’Arts et Métiers est proposé aux Frères mais, par manque de personnel formé, un ICAM est créé par les Jésuites.
En 1899, « l’affaire Flamidien » secoue l’école Notre-Dame de la Treille, où un jeune garçon est retrouvé assassiné dans le parloir. Un juge et la presse anticléricale se déchaînent contre le Frère Flamidien qui est incarcéré. L’enquête est bâclée et la défense muselée. Mais faute de preuves, les magistrats le libèrent. Le meurtrier ne sera jamais confondu.
En 1904, l’interdiction des congrégations enseignantes entraîne la fermeture de nombreuses écoles ; des Frères partent en Belgique ou en mission. Saint-Pierre de Lille se transporte quelque temps à Froyennes sur la frontière belge. Bien peu se sécularisent sur place dans les écoles appartenant à des Sociétés civiles immobilières.
… et renaissance
Le nouveau diocèse de Lille, en 1913, demande pour son séminaire les locaux de Saint-Pierre passés à la société immobilière « L’artésienne lilloise ». Après de longues tractations, une partie des locaux lui est louée, jusqu‘en 1931.
Après 1918, ouverture de Charlemagne et reprise de Saint-Michel (ouvert initialement en 1818 avant d’être un temps laïcisé puis fermé) et, en 1931, du pensionnat Saint-Pierre. La 2e Guerre mondiale désorganise l’enseignement avec des Frères prisonniers ou au STO, d’autres émigrés en Zone libre ou en mission…
En 1946, réouverture du Scolasticat universitaire (SUDFEC) pour les Frères en études supérieures, qui en accueillera plus de 200 jusqu’en 1967. En 1948 s’installent, rue Jean Levasseur, la maison provinciale du District de Lille et, en 1957, l’école Technique de La Salle, qui passera sous tutelle diocésaine en 1991. La dernière communauté d’accueil, rue d’Alembert, fermera en 2002.
Aujourd’hui, un ensemble scolaire réunifié La Salle Lille, accueille sur deux sites 2 500 élèves, du primaire au post bac.
Frère Michel Chaussier
Le Puy-en-Velay
Ténacité féconde
Aux laïcisations d’exclusion, qui rythment leurs œuvres plusieurs fois menacées, les Frères opposent une persévérance fondatrice, et féconde.
Appelés à la capitale du Velay, les Frères tiennent deux classes dans la Basse-Ville, boulevard Pannesse, en 1741 ; la maison Gouteyron leur est donnée en 1744, avec jardin, verger et champ. En 1790, 621 élèves sont éduqués gratuitement par huit Frères. La Révolution les disperse, mais la ville récupère la maison Gouteyron pour y rappeler un jour ces maîtres incomparables. Ce qu’ils font en 1818.
Noviciat et pensionnat
Une nouvelle école s’ouvre à La Chaussade, en 1828, mais on doit refuser une centaine d’élèves, faute de place. Le Frère Paulinus va donner grande ampleur au travail des Frères. Directeur en 1850, il suggère au Frère Supérieur Philippe de contribuer à l’érection de la statue de Notre-Dame (17 m) sur le rocher Corneille, en demandant un sou à chacun des 300 000 élèves des Frères en France, pour financer le piédestal. Cela déclenche une souscription vraiment nationale, et amène l’évêque du Puy à accepter l’ouverture d’un noviciat à côté des Carmes, et d’un Pensionnat payant, sans négliger le développement des écoles gratuites.
Visiteur du District du Puy, le Frère Paulinus peut fournir des Frères en Haute-Loire et en Lozère, ainsi que des jeunes au noviciat de Paris, ce qui crée des liens entre Le Puy et Paris.
Le Pensionnat Notre-Dame de France se transporte en 1861 dans l’enclos Perrin. Sa notoriété se développe quand le Frère Gabriel Marie, mathématicien renommé, futur Supérieur général, devient Directeur du Pensionnat en 1873-1882, et organise de fortes études préparant au commerce, à l’agriculture et aux carrières administratives.
La laïcisation des écoles communales tenues par les Frères amène à créer des écoles libres (Saint-Michel et Saint-Joseph), mais ne touche pas le Pensionnat, qui soutient financièrement Saint-Joseph.
La loi de 1904 amène la vente des locaux et du matériel du Pensionnat, rachetés par des amis, pour conserver « cet établissement scolaire dans lequel on donnait l’instruction religieuse avec l’enseignement ». Sous l’habit laïc, les Frères animent le Pensionnat : accusés d’être encore religieux, ils sont acquittés en 1912.
C’est aussi en 1904 qu’est fondé à Vals-près-Le-Puy l’Institution agricole de Vals, qui fusionnera en 1993 avec Saint-Dominique, pour donner naissance à l’Institut catholique des sciences de la vie et de la terre (ISVT).
Présence féconde
Pendant la guerre de 14-18, le Pensionnat abrite un hôpital militaire de 260 lits, sans interrompre les cours, avec un personnel diminué du fait des mobilisations. Après réparation et exhaussement d’un étage, aux bâtiments s’ajoutent des ateliers d’ajustage, de forge, de menuiserie et des métiers de la dentelle.
Pendant la guerre de 39-45, les Frères Directeurs Charles, puis Adrien, cachent des Juifs, dont trois professeurs qui viennent de lycées publics, et plusieurs familles.
Après la guerre, la maison de retraite des Frères, aux Carmes, ira à Ours-Mons, puis à Vals ; et les écoles chrétiennes Saint-Norbert, Saint-Michel et Saint-Joseph, ainsi que Notre-Dame-de-France (qui vient de fermer ses portes), continueront sans les Frères. L’ISVT, lui, perdure, et les jeunes trouvent toujours des éducateurs pour unir enseignement et éducation de la foi.
Frères Maurice Marque et Alain Houry
Lorient
Tenir le cap éducatif
Contre vents et marées, précarités et oppositions parfois, depuis plus d’un siècle et demi, les Frères assurent une présence éducative fructueuse à Lorient.
LSLI / décembre 2013 / Question d’histoire / page 21
(sur-chapô)
Dès 1785, une riche veuve verse 90 000 livres pour ouvrir une école de Frères, mais cela n’aboutira pas avant la Révolution. En 1849, quatre Frères s’installent rue Vauban. Les écoles communales tenues par les Frères subissent les aléas politiques de la cité. Sous le Second Empire, la municipalité prend en charge l’école qui est rénovée. En 1867, les deux-tiers de l’école communale du quartier de Kerentrech qui vivote sont confiés aux Frères.
À la chute de l’Empire, la municipalité républicaine favorise les écoles laïques qui ne scolarisent que 690 enfants contre 1 450 dans les écoles religieuses. Pourtant, en 1873 l’école des apprentis du port est confiée à deux Frères.
Querelle scolaire
Les Républicains, en 1877, raniment la querelle scolaire ; les demandes d’augmentation du traitement des Frères, stable depuis 1854, sont rejetées. L’école de Kerentrech est laïcisée. L’école privée Saint-Joseph ouvre sur cette paroisse mais elle ferme en 1881 faute de revenus. Les Frères doivent quitter l’école des apprentis du port en 1880.
En 1882, laïcisation des écoles communales. En 1888, les Frères ouvrent rue Vauban une école privée, mais ils sont expulsés par les autorités. Le curé les accueille dans l’ensemble scolaire Saint-Louis, rue Brizeux, avec un cours professionnel. En 1892, une décision de justice leur rend l’école.
En 1905, l’école Saint-Joseph, rue Dupleix, est reprise par des Frères « sécularisés » avec plus de 500 élèves. En 1914, des locaux sont réquisitionnés comme ambulance. En 1918, Saint-Joseph récupère les bâtiments de la rue Vauban, et le diocèse ceux de Saint-Louis. En 1931, ouverture d’un cours technique rue Coëdic et en 1932, de l’école paroissiale Sainte-Thérèse, rue Duguesclin.
En 1942, suite aux bombardements alliés, les écoles s’installent dans la vallée du Blavet à Quistinic et Pont Augan dans des conditions précaires. En 1945, l’école de la rue Duguesclin est en ruines. La municipalité refuse de fournir des baraquements provisoires. Retour à l’école Sainte-Thérèse et, en 1946, ouverture de l’école Saint-Christophe.
Abnégation et dévouement
En 1947, achat de 11 ha de terrain à Kerguestenen. En 1949, célébration du centenaire de l’arrivée des Frères : « Un siècle d’abnégation, de dévouement, de travail. » Le nouveau Saint-Joseph à Kerguestenen ouvre en 1958 avec 450 élèves. En 1972, il dépasse les 1 000 élèves, dont 540 en technique. En 1974, un nouveau pari : l’arrivée des filles dans un établissement technique.
Entre 1987 et 1993, deux directeurs laïcs, Jean Louis Bideaud et Serge Rabaud, se succèdent. Puis les Frères Joël Gueguen et Jean-René Gentric reprennent entre 1993 et 2003. En 1999, célébration des 150 ans de présence des Frères. La communauté, par manque de renouvellement, quittera en 2004.
Actuellement, on compte près de 1 900 élèves au collège-lycée Saint-Joseph LaSalle, et plus de 80 à l’école Saint-Christophe.
Deux autres communautés s’implantent sur Lorient. En 1986, la communauté des Châtelets regroupe sept Frères retraités jusqu’en 2009. En 1990-91, une communauté de trois ou quatre Frères s’installe à Keryado, en appartement, partageant la vie du quartier.
Frère Michel Chaussier
Photo : À l’atelier de Saint-Joseph, dans les années -50
Marseille
Trois siècles de présence tourmentés
L’histoire des Frères à Marseille peut être considérée comme emblématique de l’histoire de l’Institut : une succession de périodes de création, d’anéantissement, de recréation. La vitalité lasallienne trouve sans cesse de nouvelles expressions…
Les notables de la ville sollicitent Jean-Baptiste de La Salle et les Frères pour tenir une école gratuite pour les enfants pauvres du port. Nous sommes en janvier 1706 : deux Frères prennent en charge l’école située sur la paroisse Saint Laurent. Dès avril, elle compte 200 élèves ; il est question de confier aux Frères les quatre autres écoles de la ville.
Un siècle de fondation
Jean-Baptiste de La Salle visite les écoles en 1711 et il demeure plusieurs mois à Marseille en 1712-1713. Sa présence suscite bientôt des critiques : on l’accuse de mal gouverner et administrer. En fait, la source du conflit est la question du jansénisme : il s’est déclaré ouvertement contre. Ses adversaires découragent les novices et les Frères eux-mêmes. Mais le curé de Saint Laurent lui garde sa confiance : l’école est maintenue.
Au cours du 18ème siècle, une vingtaine d’écoles sont créées. Ainsi, en 1727, l’école de la montée des Accoules (aujourd’hui, Notre-Dame de la Major), en 1759, un pensionnat boulevard de la Corderie qui prospère très vite (aujourd’hui, lycée des remparts).
À la veille de la Révolution française, les écoles des Frères sont implantées dans plusieurs quartiers de la ville mais dès 1792, la municipalité réclame l’expulsion des Frères ; l’Assemblée législative supprime les congrégations religieuses. Beaucoup de Frères se réfugient en Italie.
…et un siècle de refondation
En 1818, à la demande des autorités civiles et religieuses, les Frères reviennent à Marseille ; sous la responsabilité du Frère Euloge, ils ouvrent une école rue Puget. En 1820, les Frères tiennent 5 écoles qui comptent 1 300 élèves. Dès 1823, l’école et pensionnat de la rue Nau voit le jour. En 1835, le nombre d’élèves des écoles atteint 2 700. Cette année-là, deux Frères directeurs meurent au cours de l’épidémie de choléra.
Pendant la seconde moitié du siècle, plusieurs créations originales se succèdent : une école de mousses sur un bateau-école, écoles du soir pour des adultes et des apprentis, écoles de maîtrise pour assurer le service des enfants de chœur, ouverture du pensionnat Sainte Marie en 1861, rue Saint Charles (il sera appelé Pensionnat Saint-Charles et deviendra, après le départ des Frères, le lycée régional Saint-Charles, ce qu’il est encore aujourd’hui).
« Si j’avais un lycée à construire, je prendrais votre établissement pour modèle. » écrit Victor Duruy, Ministre de l’Instruction publique de 1863 à 1869…
Dans cette période, le projet de Jean-Baptiste de La Salle de créer à Marseille des maisons de formation se réalise : 1853 ouverture d’un noviciat, 1881, ouverture d’un scolasticat…
C’est en 1886 que les Frères achètent « La Calade » et y installent les maisons de formation et une maison de retraite.
Le temps des passages
Avec la suppression des congrégations enseignantes, les écoles de Marseille sont fermées les unes après les autres entre 1904 et 1906 et tous les biens sont spoliés. Seule reste La Calade et les Frères âgés continuent à y résider. Ils y seront jusqu’au transfert de la maison de retraite à Pont-Saint-Esprit (Gard).
C’est après la première guerre, en 1919, que des Frères reviennent à Marseille et ouvrent l’école de la rue Nau ; celle-ci est transférée rue Blanqui en 1938 ; on lui donne alors le nom du fondateur : école de La Salle ; elle sera fermée en 1956. En 1958, pour une trentaine d’années, les Frères se voient confier de nouveau l’école des Chartreux.
Dans les années 1960, la nouvelle institution Saint-Bruno est en construction, place Edmond Audran.
Le nombre d’élèves augmente progressivement. Le collège manifeste son appartenance à la tutelle lasallienne ; il prend le nom de « Saint Bruno – La Salle » en 2006 et célèbre les trois siècles de l’Institut à Marseille.
« Aujourd’hui, nous œuvrons pour de nouvelles aventures éducatives dans l’esprit de notre saint fondateur. » écrit le Directeur du collège.
Une figure de l’histoire de Marseille : Frère Joseph Seymard (Trivier)
Il est nommé responsable (« Visiteur ») de la province de Marseille en 1939. C’est déjà la guerre et bientôt les soldats allemands vont occuper La Calade.
En août 1944, quand les troupes françaises reprennent Marseille, le Frère Seymard est chargé de porter l’ultimatum du Général de Monsabert au dernier Général allemand qui résistait encore.
Avec le Frère Simbert, il effectue plusieurs navettes entre les États-majors et, finalement, il obtient la reddition du Général allemand. Sa médiation permit la fin de la guerre à Marseille, avec le minimum de destructions.
En reconnaissance de leurs interventions, les Frères Seymard et Simbert furent décorés de la Croix de Guerre ; le Frère Seymard a été nommé Chevalier et Commandeur de la Légion d’Honneur.
Frère Jacques Bultet
Masseube
Au service du monde rural
Avec ténacité, et le sens des innovations pédagogiques et éducatives, les Frères ont su développer une formation agricole renommée.
En 1940, le Frère Junien Victor, Supérieur général, accepte l’offre de la famille Bélliard d’un domaine de 97 ha, proche de Masseube (Gers), pour ouvrir un centre de formation professionnelle pour les fils d’agriculteurs de la région. Le curé de Masseube soutient cette initiative.
Innovations agricoles
Après un démarrage difficile lié à la guerre, en 1948, une équipe dynamique avec Frère Séverin Joseph comme directeur, les Frères Josse, Xavier, Irénée…, innove dans le domaine des productions agricoles : culture du maïs hybride, de maïs de semence, poulailler moderne, chauffage au « gaz de fumier ». Les succès des élèves aux examens officiels, ainsi que des activités éducatives en internat, assurent le développement de l’établissement.
En 1956, sous la direction de Frère Xavier, le nombre d’élèves dépasse la centaine. L’établissement reste un centre d’apprentissage agricole avec ses diplômes propres. D’autres innovations techniques se poursuivent, en production laitière : « stabulation libre », nouveau mode d’alimentation.
Mais en octobre 1962, un incendie détruit l’ensemble des bâtiments scolaires. Grâce à la solidarité locale, les familles accueillent des élèves. « On recommence, décide Frère Xavier ; un travail opiniâtre vient à bout de tout ». Des bâtiments modernes s’ouvrent en octobre 1963.
En 1969, mise en place de la mixité. Ouverture du lycée avec un cycle court (CAPA- BEPA), et un cycle long (Bac D’, BTA). Nouvelles constructions pour accueillir 650 élèves, dont 600 internes. D’où une organisation originale : les élèves sont présents onze jours à l’Institut, suivis de trois jours en famille. Toute une animation se met en place pour le week-end sur place, en lien avec la paroisse, l’Action catholique rurale et les clubs sportifs locaux.
Éducation humaine et chrétienne
En 1986, Frère Xavier prend sa retraite. Les Frères directeurs qui lui succèdent mettent en place de nouvelles formations (BTS…), sans toutefois réussir à insérer l’établissement dans un réseau de formations complémentaires.
En 1994, la direction passe à un laïc, Gérard Blot. Saint-Christophe comprend alors un collège de 250 élèves, et un lycée d’enseignement général et technologique agricole de 400.
En 1999, une page se tourne : le départ en retraite des quatre derniers Frères entraîne la fermeture de la communauté, après 60 ans de présence active au service des jeunes du monde rural du Sud-Ouest.
L’œuvre lasallienne de Saint-Christophe – qui accueille aujourd’hui en enseignement général et agricole 720 élèves dont 85 % d’internes – doit s’adapter sans cesse : forte baisse des exploitations agricoles, nouveaux métiers ruraux, jeunes en difficulté.
Une vingtaine de Frères ont beaucoup œuvré dans le développement de l’établissement et de la ferme. Une communauté religieuse profondément investie dans l’éducation professionnelle, humaine et chrétienne, pour former des jeunes bien adaptés à l’évolution du monde rural.
Frère Michel Chaussier
Metz
Éclipses et éclaircies
Les soubresauts de l’histoire, de France et de Lorraine plus particulièrement, les ont chassés plusieurs fois de leurs oeuvres : les Frères, établis depuis 1747, ont toujours repris leur mission.
Cinq Frères ouvrent à Metz une école début 1747.
À la Révolution, ils accueillent 445 élèves, à Saint-Simplice et Saint-Martin.
Six Frères reviennent en 1817, et ouvrent trois écoles communales – rue Taison (Sainte-Sigolène), rue du Pontiffroy (Saint-Vincent), rue Mazelle (SaintMaximin) -, puis l’école SaintMartin : 1 000 élèves au total en 1825.
« Rien n’était plus édifiant que de voir les Frères conduire leurs élèves à la messe ; la bonne tenue des enfants et, encore plus, la modestie des maîtres ravissaient ceux qui les voyaient. Ce spectacle impressionnant a contribué pour quelque chose à me faire entrer au service du Seigneur », témoigne M. l’abbé Louyot, aumônier des Frères depuis 1840.
Enfants et ouvriers
La Ville leur retire en 1840 deux écoles, et oblige les deux autres à ne recevoir « que les plus pauvres enfants ». Deux autres écoles libres sont aussitôt créées : Saint-Vincent et l’école professionnelle SaintMartin, où enfants et ouvriers sont si à l’étroit qu’elle est transférée en 1858 rue des Augustins. En 1870, la communauté de vingt Frères accueille 500 élèves dans les deux écoles publiques, et 1 300 élèves dans les deux écoles privées.
Vient le temps de l’annexion prussienne et du Kulturkampf : les maisons des Frères en Lorraine sont supprimées, sauf SaintVincent de Metz où deux Frères ne peuvent tenir qu’une classe de 80 élèves (en 1912, on autorisera trois classes et 200 élèves). Par ailleurs, la maison de campagne de Queuleu sert, depuis 1907, aux jeunes Frères venus passer le brevet allemand et, quand le français est interdit dans l’école en 1914, à des travaux d’arboriculture… en français.
Dans l’enthousiasme de la désannexion, le Frère Pierre rouvre en 1919 l’école Saint-Augustin – les autorités n’osent pas s’y opposer, mais la gratuité, conservée jusque-là, disparaît.
Et en 1938, Queuleu accueille l’Institution de La Salle, nouvelle dénomination du Pensionnat Beauregard, fondé à Thionville en 1854 (et accueilli successivement à Longuyon et Hachy).
Après une occupation de la maison par Siemens en 1940-1944, l’Institution de La Sallerevient à Queuleu en 1947.
Développement du technique
En 1954, l’école Saint-Vincent ouvre une section technique radio, fermée en 1960 : c’est Saint-Augustin qui regroupera le technique – comptabilité surtout -, et développera un second cycle.
Par ailleurs, dès 1966 quelques Frères s’engagent dans la ZUP de Borny : accueil des gens du voyage, alphabétisation de réfugiés du sud-est asiatique. Leur communauté a dû fermer en 1991.
C’est aussi dans ce quartier de Metz Borny que les Frères ont transféré, en 1973, leur maison de retraite.
En 1969, l’école technique Saint-Augustin se transporte à Queuleu, où elle s’intègre à l’Institution de La Salle : elle y gagne de la place (ateliers et internat), mais y perd son caractère populaire.
La maison de la rue Saint-Maximin devient, en centre ville, annexe de l’Institution.
Aujourd’hui, Frères et laïcs continuent la présence et la mission lasalliennes dans l’Institution de La Salle, qui accueille 1 700 élèves en école, collège et lycée, technique et professionnel notamment.
Frère Alain Houry
Montebourg
Une abbaye et une oeuvre éducative nées d’une étoile
Située dans le Cotentin, l’œuvre répond depuis 170 ans aux besoins « des enfants des campagnes », des jeunes et des adultes intéressés par les filières agricoles.
Selon la légende, l’abbaye aurait été fondée au XIe siècle par un ermite, à l’endroit où une étoile serait tombée du ciel, alors qu’il implorait Marie de lui indiquer un lieu où se fixer. Très vite Guillaume le Conquérant fit preuve d’un grand intérêt pour l’abbaye et céda les terres aux moines, assurant ainsi le développement du culte de Notre-Dame de l’Étoile.
En 1842, naquit la congrégation des Frères des Écoles chrétiennes de la Miséricorde sous l’impulsion de sainte Marie-Madeleine Postel, fondatrice en 1807 des Sœurs des Écoles chrétiennes. D’abord installés à Coutances, ils déménagèrent à Montebourg en 1844 où Monseigneur Delamare, vicaire général de l’évêque de Coutances et d’Avranches, avait racheté les ruines de l’abbaye détruite à la Révolution. Dès 1845 s’ouvrait une école gratuite et la communauté se développa jusqu’en 1904, date à laquelle la loi Combes obligea la plupart des 150 Frères que comptait la communauté à s’exiler à Brugelette en Belgique, les autres s’étant sécularisés.
L’intégration au réseau lasallien
En 1922, les Frères de la Miséricorde revinrent à Montebourg, rouvrirent un noviciat et dès 1925, adjoignirent à l’école primaire une section agricole spécialisée dans l’élevage. Mais face à la concurrence et au vieillissement de leurs effectifs, une fusion avec les Frères des Écoles Chrétiennes fut envisagée et devint effective en 1938.
Durant la Seconde Guerre mondiale, l’abbaye fut très durement touchée par les combats et les bombardements mais les Frères refusèrent de la quitter et la statue de Notre-Dame fut sauvée des ruines.
L’enseignement agricole continua de se développer à Montebourg, devenant un institut agricole reconnu par le ministère de l’agriculture en 1956. La même année, Notre-Dame de l’Étoile fut adoptée par le Chapitre Général comme Patronne de l’Institut.
En 1960, lors des célébrations du IXe centenaire de l’abbaye, fut organisée une grande cérémonie de couronnement de la statue de Notre-Dame et un pèlerinage fut mis en place afin de relancer le culte de Notre-Dame de l’Étoile, en perte de vitesse.
Actuellement, l’abbaye accueille toujours l’établissement scolaire sous tutelle lasallienne, comprenant un internat, un collège d’enseignement général, un lycée agricole, un centre de formation pour adultes et une exploitation agricole. Le culte marial n’a quant à lui pas cessé depuis près de 1000 ans, célébré désormais aux quatre coins du monde. C’est d’ailleurs en référence à Notre-Dame de l’Étoile et à l’histoire de son abbaye que la chapelle de la rue de Sèvres à Paris porte ce nom : chapelle Notre-Dame de l’Étoile.
Benoît Gillet
Montpellier
Histoire chahutée, mission maintenue
Surmontant révolutions et lois d’exclusions, l’œuvre des Frères est inscrite depuis plus de 250 ans dans la vie montpelliéraine.
Fin 1743, l’évêque appelle les Frères pour tenir une école gratuite et lutter contre le protestantisme : les « nouveaux convertis » sont formés à part par deux Frères, dans la maison « de la propagation de la foi ». Pour compléter les ressources de la maison, à partir de 1750, une douzaine d’élèves sont pensionnaires.
En 1759 s’ouvrent deux nouvelles classes sur la paroisse Saint Pierre, et deux autres sur Notre Dame. En 1779, on atteint 480 élèves pour 12 Frères. Mais en 1793, la maison est confisquée (y compris la bibliothèque de 1 034 volumes), et les Frères dispersés…
Écoles plébiscitées et gratuites
Le 25 août 1813, 3 Frères reviennent tenir une école prise en charge par la ville ; ils sont 21 en 1855, tant les écoles se multiplient. Un cours d’adultes, ouvert en 1855 (avec 4 Frères), est complété en 1866 par un cours d’apprentis (avec 2 Frères). Tandis que l’achat de la Cité Lunaret permet d’y construire les locaux d’une Œuvre de Jeunesse, créée le jour de Noël 1867.
La guerre de 1870 utilise ces locaux comme infirmerie. Et en 1872, on y construit un gymnase. Jeux, sports, théâtre, causeries religieuses : l’Œuvre de Jeunesse continue l’action éducative de l’école chrétienne.
L’école de la rue Basse compte 240 élèves quand elle est laïcisée en 1879. Soutenus par le Comité pour les Écoles libres, les Frères, pour la remplacer, construisent des classes Cité Lunaret : il y vient 280 élèves, alors que l’école laïque de la rue Basse en a seulement 35 ! Les écoles Saint Mathieu, Saint Roch et Saint Denis sont aussi laïcisées en 1880. En 1885, le nombre total des élèves de la Cité Lunaret est alors de 1 180. Et en 1887, sur Sainte Eulalie et Saint Denis, s’ouvrent d’autres écoles libres de Frères, qui forment là une nouvelle communauté ; de même en 1889, sur Les Saints François.
Le dévouement du Comité des Écoles libres permet de conserver la gratuité de ces écoles. En 1900, est aussi créée une Association de Secours mutuel entre les anciens élèves des Frères à Montpellier.
Brève parenthèse sans Frères
La suppression de l’Institut, décidée par la loi du 7 juillet 1904, atteint les écoles de Montpellier en 1908 : une foule immense accompagne les Frères se rendant à la gare pour partir en exil.
L’école Saint Jean-Baptiste de La Salle fonctionne toutefois à nouveau Quai Verdanson en 1913, avec 5 Frères et 1 050 élèves (y compris l’Œuvre de Jeunesse). En 1921, 12 Frères et 20 laïcs tiennent cinq écoles : soit 615 élèves, presque tous accueillis gratuitement. En 1935-1937, des Frères espagnols rejoignent la communauté, pour échapper à la guerre civile. En 1945, on retrouve 600 élèves, dont la moitié accueillis gratuitement, avec 11 Frères et 10 laïcs.
En 1960-1961, la mise en place des contrats amène un fort renouvellement du corps enseignant. Les demandes d’inscription augmentent, dues à la natalité d’après guerre et aux rapatriés d’Algérie. Demeure aujourd’hui l’école-collège Saint Jean-Baptiste de La Salle, qui accueille plus de 700 élèves. Quant aux Frères qui vivaient encore en communauté dans l’établissement, ils rejoignent en 1994 la communauté voisine de la rue Max Mousseron.
Frère Alain Houry
Nantes
Près de 300 ans de présence des Frères
Inlassablement, les Frères ont fondé des écoles à Nantes. Ni les départs forcés, ni les guerres ne les empêchent de vivre et faire vivre la mission d’éducation au service des jeunes.
Débuts précaires : les Frères arrivent à Nantes en 1721 dans le faubourg Saint-Clément car la ville réserve les écoles du centre aux maîtres écrivains qui, eux, paient des impôts ! Les bâtiments sont délabrés et les rétributions insuffisantes. En 1735, installation au Port-Communeau et, en 1751, ouverture du pensionnat aux Fossés-Mercœur. En 1792, les Frères refusent de prêter serment et sont chassés.
Au XIXe s. s’ouvrent une douzaine d’écoles, souvent dans des locaux précaires et qui changeront de lieu. En 1817, retour des Frères à l’école Saint-Pierre. En 1823, la communauté se fixe à l’Hôtel Rosmadec (actuellement dans l’Hôtel de Ville). Les Frères de plusieurs écoles y seront rattachés. On y ouvre des cours du soir pour adultes puis pour les militaires de la garnison, où s’illustrera le Frère Camille-de-Jésus. En 1821 s’ouvre l’école Sainte-Croix. 1829, Saint-Similien. 1833, N-D de Bon-Port et Saint-Jacques. 1839, Saint-Donatien/Saint J-B de La Salle. 1841, le pensionnat Saint-Joseph de Bel-Air. 1847, Sainte-Anne. 1857, Saint-Félix, qui dépend du noviciat qui ouvrira de 1846 à 1904. 1864, Saint-Louis de Gonzague sur la paroisse de la Madeleine. 1865, Saint-Nicolas. 1873, Saint-Clément. 1898, Saint-Clair. Entre 1904 et 1908, suite aux lois de sécularisation, la plupart des écoles passent à des laïcs ou à des Frères sécularisés.
Au début du XXe s., six écoles sont reprises par des Frères sécularisés : Saint-Clair, Saint-Donatien, Saint-Félix, Saint-Nicolas, Saint-Pierre et Sainte-Croix. Elles passeront toutes sous tutelle diocésaine en fin du siècle. Deux établissements techniques, repris plus tard par les Frères, vont garder la tutelle lasallienne.
En 1926, le pensionnat Saint-Joseph du Loquidy prend la suite de Saint-Joseph de Bel-Air. En 1937, création d’un cours commercial. Les effectifs dépassent 400 élèves en 1938. La guerre va perturber l’établissement : occupations, bombardements alliés de 1943. Dans les années 1960, les contrats avec l’État permettent un nouveau développement. La direction passe à un laïc en 1974 ; la communauté quittera en 2013. Actuellement l’établissement compte près de 2 000 élèves dont 120 en classes préparatoires.
En 1949, l’École Technique de La Salle (ETS) accueille un enseignement professionnel, place du Croisic. Les effectifs progressent : 560 élèves en 1960, 1 050 en 1970 et 1 200 en 1979. En 1965, commencent les nouvelles constructions. En 1987, la direction est confiée à un laïc ; la communauté quitte en 2009. Actuellement l’ETS regroupe un lycée d’enseignement général et technologique, un lycée professionnel, un CFC (Formation continue), un CFA (Formation d’apprentis), des BTS industriels et informatiques. En 2014, l’ensemble scolaire lasallien « St Félix-La Salle » regroupe deux collèges, le lycée Saint-Félix et l’ETS.
En 1985, la communauté de la rue Saint J-B de La Salle se transporte rue Adrien Delavigne. Pour le service des gens du voyage, des Frères forment de petites communautés dans des quartiers ou sur Rezé.
Frère Michel Chaussier
Nevers
Mission remplie, relais passé
Près de deux siècles durant, le service éducatif a été rempli. Puis, dans la discrétion, relais passé, les Frères s’en sont allés…
Appelés par le diocèse et la ville de Nevers, trois Frères ouvrent une école chrétienne gratuite en 1821, rue du Cloître Saint-Cyr, dans l’ancien couvent des Dominicains (appelés Jacobins). Il faudra bientôt quatre autres Frères pour les 620 élèves de 1833 (on se limitera à 600, car la petite classe contient 200 enfants). En 1835, un huitième Frère ouvre un cours du soir : 80 jeunes ouvriers, bientôt 180, le fréquentent. En 1838, on crée, rue Fonmorigny, une annexe de l’école, pour les enfants des paroisses Saint-Pierre et Saint-Antoine, mais elle ne dure que cinq ans, faute de ressources. En 1845, le ministre de l’Instruction publique accorde à l’établissement des Frères des allocations assez importantes puis, à partir de 1857, la commune de Nevers prend en charge le fonctionnement de l’école, qui devient ainsi « communale ». En 1862, les libraires de Nevers font un procès aux Frères qui leur feraient concurrence en vendant à leurs élèves des livres scolaires : la cour de cassation donne raison aux Frères en 1864.
Saint-Jo de Nevers
En 1879, changement de politique : on « laïcise » les écoles communales. Il faut d’urgence ouvrir une souscription pour faire fonctionner l’école dans les mêmes locaux. En 1880, l’école « libre » s’appelle « Saint-Joseph », car c’est le 19 mars que le Frère Attale obtient les autorisations voulues ! Les travaux indispensables sont effectués gratuitement par des entrepreneurs. Les Frères, qui couchaient dans un dortoir commun, ont chacun une petite chambre en 1899. En 1898, le cours professionnel créé par le Frère Azemar est installé grâce au bénéfice de la vente des manuels scolaires. En 1893, deux annexes ont été créées : celle de la rue des Planchers, dans une ancienne tannerie achetée par le curé de Saint-Étienne, disparaîtra suite à la suppression de l’Institut en France (loi de juillet 1904). L’autre, Saint-Jude, place Chaméane, durera jusqu’en 1937. En 1933, pour mettre fin aux rivalités entre les deux Amicales, se créera l’Amicale de Saint Jean-Baptiste de La Salle.
Mutualisation des moyens
Les Frères « sécularisés » ont pu reprendre l’enseignement dès 1904 : en habit civil, ils se font appeler par leur nom de famille. En 1920, des ateliers d’ajustage et de menuiserie fonctionnent dans les locaux ; en 1930, on construit, dans la cour, des ateliers de 80 m² ; et le puits du XIIIème siècle, qui menaçait ruine, a été transféré dans le square Maréchal Foch en 1922. En 1931, l’évêque souligne que les vocations sorties de l’école forment le quart du Petit Séminaire. En 1955-56, on réunit les deux écoles Saint-Joseph et Saint-Cyr ; le contrat d’association avec l’État, en 1960, assure le développement du technique : section automobile, mécanique générale… Sous l’influence du Frère Pierre Brétillot, se crée en 1973 « l’Enseignement Catholique Saint-Cyr », qui regroupe toutes les écoles catholiques de Nevers. Depuis 1981, les Frères n’exercent plus de responsabilité dans ces écoles ; et leur communauté vient de fermer en 2010.
Frère Alain Houry
Paris
Sources capitales
Aux tout premiers temps, le Fondateur, rémois formé au séminaire de Saint-Sulpice, à Paris, vient y ouvrir plusieurs écoles. Quatre établissements lasalliens de Paris – qui accueille aussi le siège du District de France – en sont aujourd’hui issus.
En 1688, Jean-Baptiste de La Salle et deux Frères arrivent à Saint-Sulpice tenir l’école paroissiale, rue Princesse. Vaugirard, la Grande Maison, rue de la Barouillère (aujourd’hui rue Saint Jean-Baptiste de La Salle, 6e) évoquent les premières maisons des Frères à Paris. Débuts difficiles, et succès remarqués : les autres maîtres craignent de perdre leurs élèves.
En 1791, les 30 Frères de Paris refusent de prêter le serment de fidélité à la Constitution, ce qui amène la fermeture de leurs écoles : Saint-Sulpice, la Madeleine, Saint-Étienne-du-Mont, le Gros-Caillou et Saint-Roch. Et c’est à la prison des Carmes qu’est massacré le 2 septembre 1792 le Frère Salomon, béatifié en 1922.
Des œuvres qui perdurent
Discrète reprise sur la paroisse du Gros-Caillou, 7e : l’école (dont La Rochefoucauld est aujourd’hui l’héritière) attire l’attention du Premier Consul, qui facilite la reconnaissance légale de l’Institut en 1808. La Maison-Mère s’installe Faubourg Saint-Martin (1821-1847) puis – pour laisser la place à la Gare de l’Est – rue Oudinot, Paris 7e, jusqu’en 1905. L’annexe, 78 rue de Sèvres, conserve toujours une communauté de Frères, dont le Frère Visiteur et ses adjoints et auxiliaires, les services du réseau lasallien, l’Isfec LaSalle Mounier et la maison d’accueil bien connue.
En 1843 commence le demi-pensionnat, rue des Francs-Bourgeois, qui conserve ce nom lors de son transfert rue Saint-Antoine, 4e. Ouverte en 1861, l’école Notre-Dame-de-la-Gare devient si populaire que, pour conserver ses électeurs, le député du 13e, Ferdinand Buisson, pourtant rapporteur de la loi de 1904 sur l’interdiction d’enseigner faite aux congrégations, obtient qu’elle ne ferme pas, avec des Frères en habit religieux ! L’école-collège La Salle Notre-Dame de la Gare a vu ces derniers mois le retour d’une petite communauté de Frères. Quant à l’école (et collège aujourd’hui) Saint-Germain-de-Charonne La Salle, qui était 124 rue de Bagnolet, elle est depuis longtemps rue des Prairies, 19e.
D’autres sources fécondes
En 1818, on comptait six communautés et 43 Frères à Paris, desservant 20 écoles sur 13 paroisses. En 1886, 1 092 Frères et 85 établissements, presque tous des écoles primaires.
Pointons quelques œuvres des Frères, pas assez connues, nées à Paris. Deux Frères enseignent (1840-1882) les jeunes détenus de la Prison de la Petite Roquette, 11e. Le pensionnat Saint-Nicolas, installé en 1827 à Vaugirard, 6e, par l’abbé de Bervenger pour des garçons abandonnés, repris en 1859 par 80 Frères à la demande du Cardinal Morlot. L’école des Alsaciens-Lorrains, rue La Fayette,10e, où se sanctifie le Frère Alpert.
L’œuvre des patronages se développe surtout après 1880 : au service de leur animation, l’Œuvre Saint-Labre devient un mouvement de formation spirituelle qui donnera à Paris de nombreuses vocations de prêtres et de Frères, des foyers chrétiens et des militants de valeur au premier syndicat chrétien (SECI, Syndicat des employés du commerce et de l’industrie), créé par le Frère Hiéron : lors de la création de la CFTC, ses premiers dirigeants auront été formés par Saint-Labre et le SECI.
Frère Alain Houry
Quimper
Constance et fidélité
Depuis l’aube du XIXe siècle, les Frères ont tenu bon, malgré les vicissitudes anti congréganistes, pour donner là le meilleur de leur enseignement.
En 1828, Mgr Poulpiquet, évêque de Quimper, fait appel aux Frères des Écoles Chrétiennes. Trois Frères ouvrent, en janvier 1829, l’école Saint-Corentin dans un local communal, située rue du Collège.
En 1838, deux Frères sont appelés pour aider « au Likès ». Cet établissement, créé en 1837 et dirigé par des prêtres, devait accueillir les enfants de la région pour les instruire, et leur apprendre le français. L’établissement connaît une grande renommée, une chaire d’agriculture est établie en 1843, puis la direction revient aux Frères, en 1846.
En 1864, l’école change de locaux et prend le nom de « Pensionnat Sainte-Marie ». Deux ans plus tard, une section industrielle vient développer l’enseignement.
Les Frères créent d’autres écoles : en 1849, un cours du soir pour les jeunes apprentis, et en 1852, le « quartier Saint-Mathieu », avec deux classes situées rue du Chapeau rouge. La communauté est même chargée de surveiller les enfants de chœur durant les messes.
En 1870, Le Likès abrite tour à tour 1 800 militaires mobilisés puis recrutés par le gouvernement de la Défense nationale. Les Frères s’occupent à la fois des soldats et de l’école. La laïcisation frappe ensuite la région : les écoles de Saint-Corentin et Saint-Mathieu sont confiées à des instituteurs laïques. Grâce à une souscription, deux écoles libres sont ouvertes par les Frères. Les années suivantes voient l’augmentation du nombre d’élèves dans ces deux écoles. Malheureusement, les lois anti congréganistes font fermer le Pensionnat en 1906, et les deux écoles en 1907. Seule l’école Saint-Corentin rouvrira avec des « sécularisés ».
Les écoles de formation
Par ailleurs, dès 1851, Quimper est érigé par les Frères en District. Dès lors, plusieurs maisons de formation voient le jour. Tout d’abord, le noviciat en 1851, installé à proximité du Likès dans un premier temps. Puis le petit noviciat, ouvert en 1877 dans l’ancien hôtel dit « de la Maison blanche », pour développer les vocations. L’œuvre de Jean-Baptiste de La Salle est instituée en faveur des petits novices dont le nombre croît au fil des ans. À sa fermeture en 1904, il compte 46 petits novices. 1880 voit apparaître l’obligation du brevet pour les maîtres titulaires de classes. La ville se dote alors d’un scolasticat (1881) pour répondre à cette loi.
Malheureusement, cette maison est fermée le 28 janvier 1904, comme le noviciat et le petit noviciat. En 1873 enfin, l’École Normale est confiée à l’Institut et reste sous sa direction jusqu’en 1880.
Un nouveau départ
Le Likès, rouvert en 1919 après avoir servi d’hôpital militaire, reprend sa fonction initiale. De nouveaux enseignements sont prodigués pour répondre aux besoins de la société. Malheureusement, 1939 voit revenir les temps difficiles. Une partie des locaux est réquisitionnée comme hôpital militaire, avant d’être occupée en 1940 par les Allemands. L’établissement continue néanmoins de fonctionner avec quelques Frères résistants actifs. Aujourd’hui, les Lasalliens restent encore présents à Quimper avec Le Likès (2 851 élèves en collège-lycée-post-bac), l’école Saint-Corentin (272 élèves), et deux communautés de Frères.
Magali Devif
Directrice des Archives Lasalliennes
Rennes
De 1738 à nos jours
Dans les années 1960, Rennes compte jusqu’à six écoles de Frères et presque autant de communautés. Si, dans la majorité des cas, le flambeau sera transmis au diocèse, le collège La Tour d’Auvergne – La Salle conserve, lui, la tutelle lasallienne. En adoptant, depuis 2013, le nom « La Salle », il affirme son appartenance au réseau.
Avant la Révolution
Dès 1683, du temps de Jean- Baptiste de La Salle, une demande de Frères n’aboutit pas. Ce n’est qu’en 1738 que les premiers Frères arrivent à Rennes à la demande des autorités ecclésiastiques. Dès leur arrivée, une opposition janséniste soutenue par le Parlement de Rennes leur demande de « déguerpir ». Ils restent et obtiennent la lettre patente du roi Louis XV. Les Frères habitent rue Saint-Dominique et enseignent dans trois écoles : rue Saint-Dominique, rue du Champ- Dolent (futur établissement La-Tour-d’Auvergne) et sur Saint-Hélier. En 1792, les Frères refusant de prêter le serment révolutionnaire sont chassés.
Les écoles communales du XIXe siècle En 1818, trois écoles communales sont rétablies : La Tour d’Auvergne sur la paroisse des Tousssaints, une sur Saint-Aubin et une sur Notre-Dame où résident les Frères. En 1874, la communauté s’installe rue de l’Échange. Mais les écoles sont laïcisées en 1881.
Des écoles libres
Dès 1875, la municipalité avait refusé une école sur Saint-Hélier ; un comité y ouvre alors une école libre. En 1881, l’école des Toussaints est transférée boulevard de La Tour d’Auvergne. La communauté suivra en 1896. En 1882, l’archevêque Monseigneur Place demande une école paroissiale sur Saint-Étienne ; les Frères y ouvrent l’école Saint-Yves, rue du Chapitre où ils s’installeront en 1888. En 1884, l’école municipale, rue de l’Échange, et la communauté ferment.
En 1904 et 1905, ces écoles ferment suite aux lois anti-congréganistes, mais la plupart poursuivent avec un personnel sécularisé. L’école Saint-Étienne passe sous tutelle diocésaine en 1910. L’école de La Tour d’Auvergne, propriété de la marquise de Nétunières, continue avec Louis Vignard, Frère sécularisé et six autres maîtres. Il reste directeur jusqu’en 1936. En 1936, pour répondre à de nouvelles demandes, ouverture de l’école Saint-Gabriel, avec un patronage, et de Saint-Joseph, sur la paroisse des Sacrés-Cœurs. Durant la guerre, la plupart des écoles sont touchées par des bombardements alliés de 1940 et surtout de 1944. Après la Libération, la reconstruction est lente ; on utilise souvent des baraquements provisoires.
Retrait des communautés, passage à la tutelle diocésaine
En 1950, La Tour d’Auvergne se développe, rue de la Santé, gardant son nom « T.A. ». La communauté s’y installe. L’établissement deviendra collège mixte en 1969 et sera jumelé, un temps, avec Saint-Gabriel, jusqu’à ce que ce dernier s’installe sur Pacé, dans la périphérie de Rennes.
En 1962, création du lycée commercial de-La-Salle, rue de la Motte-Brûlon, avec une communauté. En 1976, après une période perturbée, l’établissement passe à une direction laïque, sous tutelle diocésaine. Les Frères quittent la plupart des écoles rennaises et la tutelle passe au diocèse : en 1963, Saint-Yves ; en 1973, Saint- Joseph ; en 1976, lycée de La Salle ; en 1978, Saint-Hélier ; en 1987, Saint-Gabriel.
Seule, la « T.A. » conserve la tutelle lasallienne tout en passant la direction à un laïc, en 1983. La communauté quitte alors les lieux. Aujourd’hui, le collège La Tour d’Auvergne – La Salle accueille plus de 350 élèves, externes.
Frère Michel Chaussier
Reims
Berceau de l’Institut
Tout est né, en cette ville, de la volonté d’un homme, Jean-Baptiste de La Salle, et de ses compagnons, bien vite dénommés Frères. Avec heurs et malheurs comme en bien d’autres cités, mais toujours constance et ténacité.
Mr Nyel est envoyé de Rouen à Reims par Mme Maillefer, originaire de cette ville, pour y ouvrir des écoles de charité ; il rencontre Mr de La Salle. En 1679, s’ouvrent deux écoles sur les paroisses Saint-Maurice et Saint-Jacques. Devant le manque de formation des maîtres, Mr de La Salle les installe dans une maison proche de sa demeure familiale, puis les reçoit à sa table. En 1682, face à l’opposition de sa famille, il loue une maison pour y vivre avec eux, et les achemine vers la vie communautaire. Il renonce à sa fonction de chanoine pour se donner tout entier à la formation des maîtres, puis il distribue ses biens aux pauvres pour vivre comme eux. Il ouvre aussi un séminaire pour former les maîtres des campagnes.
En 1688, Jean-Baptiste de La Salle part à Paris sur la paroisse Sain-Sulpice ; l’œuvre de Reims dépérit. Puis, les aides municipales et les dons diminuent ; la vie est précaire. À la Révolution, 35 Frères seront chassés des écoles communales.
Des aides municipales fluctuantes
En 1803, 11 Frères demandent l’aide de la ville pour rouvrir des écoles ; le Bureau de bienfaisance les prend en charge. En 1832, un demi-pensionnat doit fermer à la demande des maîtres de pension. La municipalité ouvre 3 écoles mutualistes… et ferme 3 écoles des Frères. En 1845, 2 Frères enseignent à l’Hôpital général, 4 à la prison. Les cours du soir regorgent d’adultes, mais les aides financières manquent.
Plusieurs écoles ouvrent sous le Second Empire. En 1853, autorisation d’un internat, rue de Venise. En 1877, rue de Courlancy, ouverture des maisons de formation, et rue de Contrai, d’un cours professionnel. En 1880, après les célébrations du bicentenaire de l’Institut, c’est la laïcisation des écoles communales, obligeant à l’ouverture d’écoles privées. En 1899, création de l’école des Arts et Métiers pour répondre à la demande industrielle.
Œuvres toujours vivaces
L’interdiction de l’enseignement congréganiste en 1904 touche 27 écoles rémoises ; 5 poursuivront avec un personnel sécularisé. D’autres Frères émigrent en Belgique ; les Arts et Métiers s’installent à Erquelinnes, sur la frontière, et rejoindront Lyon en 1940.
Aujourd’hui, perdurent à Reims quatre œuvres vivaces : Saint Jean-Baptiste de La Salle, rue de Contrai, lycée de 650 élèves ; Jeanne d’Arc La Salle, avenue de Laon, école-collège-lycée de 1 000 élèves ; le Sacré-Cœur, rue de Courlancy, de 1 600 élèves. Par ailleurs, le centre de formation Avenir Jeunes Reims (AJR) reçoit des jeunes déscolarisés en vue de leur faire reprendre une formation professionnelle.
Une communauté réside à l’Hôtel de La Salle, maison où est né J-B de La Salle, rachetée par l’Institut en 1956. D’abord Maison provinciale, elle est aussi musée lasallien en pleine rénovation. L’autre communauté de Frères, proche du Sacré-Cœur, est engagée dans la vie du quartier et de la paroisse, et participe à la pastorale des choix de vie.
Frère Michel Chaussier
Rodez
Ténacité et qualité d’éducation
La ténacité des Frères caractérise leur présence depuis 1744 à Rodez, où malgré les mauvais sorts de l’histoire, ils n’ont cessé de fonder des œuvres réputées.
Mgr Yze de Saléon avait rencontré Jean-Baptiste de La Salle en 1713, à Grenoble. Devenu évêque de Rodez, il demande l’envoi de Frères. En 1744, rue Corbières, ils ouvrent l’école Notre-Dame. Rapidement, quatre Frères accueillent 200 élèves.
À la Révolution, les Frères se dispersent. Quelques-uns se sécularisent sur place. À la Restauration, le maire rétablit l’école des Frères.
En 1834, deux autres classes s’ouvrent dans le quartier Saint-Amans et, en 1851, l’école Saint-Cyrice, avec deux Frères. Elles doivent fermer quand la municipalité, en 1881, ouvre une école laïque.
Pensionnat et noviciat
En 1888, après la laïcisation des écoles communales (lois Ferry-Goblet), les Frères ouvrent une école privée, de cinq classes, rue Bonald. En 1904, l’interdiction de l’enseignement congréganiste entraîne la sécularisation sur place de plusieurs Frères. Mais la propriété de l’école en reste à la « Société immobilière du Rouergue ». En 1913, l’école se transporte dans l’ancienne résidence des Jésuites, rue de Lembergue. En 1924, l’école Saint-Amans, faute d’effectifs, ferme définitivement.
Vu les nombreuses vocations, les Frères ouvrent un noviciat en 1857 et, en 1859, un pensionnat, à la demande des familles. On y prépare l’entrée aux écoles d’Arts et Métiers. Les effectifs atteignent 500 élèves en 1881. C’est aussi le temps de l’ouverture d’un petit noviciat, d’un scolasticat en 1890, et d’une maison de retraite. Ils fermeront en 1904, pour s’installer en Italie du Nord.
Une Association des Familles prend en 1904 le relais des Frères expulsés de « l’Institution libre Saint-Joseph ». Les bâtiments spoliés, rachetés par la municipalité en 1909, sont revendus à la Société immobilière du Rouergue en 1911. Pendant la Grande Guerre, l’école devient un cantonnement et un hôpital militaires. Puis, le pensionnat reprend rapidement son essor. Les ateliers sont agrandis en 1937-38.
Restructurations
Durant les années 1950, le développement de l’enseignement technique se heurte à la direction diocésaine qui refuse son soutien financier. En 1966, les établissements se restructurent, malgré les oppositions : les écoles primaires et le lycée se regroupent sur Saint-Joseph ; Sainte-Marie accueille le collège. À la fin des années 1970, la direction de Saint-Joseph est assurée par à un laïc. En 1994, le regroupement scolaire Sainte-Geneviève et Saint-Joseph est effectif.
En 1983, la communauté de Saint-Joseph compte six Frères. En août 1984, trois, puis quatre Frères, s’installent à Onet-le-Château, banlieue de Rodez, en réponse à une demande du conseil de district des Frères pour une implantation hors institution, en lien avec l’Église locale. Les Frères restent engagés dans l’Institution Saint-Joseph – comme enseignants, responsables d’équipes pastorales, économe… -, et participent à la vie du quartier : équipe pastorale, animation, accueil à la communauté.
Celle-ci fermera en 1996, faute de renouvellement. En 1997, deux Frères reviennent sur l’Institution Saint-Joseph, avant de quitter Rodez en 1998. L’ensemble scolaire lasallien Sainte-Geneviève – Saint-Joseph perdure, avec son internat, accueillant plus de 1 100 élèves.
Frère Michel Chaussier
Roubaix
Des écoles populaires
Roubaix compte 13 000 habitants quand arrivent les Frères, en 1830. Et 65 000 en 1865, du fait de la création de manufactures, qui emploient beaucoup d’enfants de moins de 13 ans : 8 écoles gratuites et une payante sont la réponse des Frères à ce développement. Le directeur de l’école Notre-Dame, Frère Frédéric, meurt épuisé en 1843, à 42 ans.
En 1845, les industriels de Roubaix ouvrent des classes d’apprentis, qu’ils confient aux Frères. Bientôt s’y ajoutent descours du soir pour adultes. En 1851 se crée l’école Saint-Martin, en 1859, Sainte-Élisabeth, en 1863, Saint-Vincent et en 1865, l’école du Vénérable de La Salle, chaque communauté ayant en plus la charge d’annexes.
Autre participation à la valorisation de cette ville en expansion industrielle, un Frère, Edmond de Jésus Wallaert, professeur de dessin à Notre-Dame, réalise avec ses élèves un plan en relief de la ville, pour l’Exposition internationale de Vienne (1873). Ce plan est aujourd’hui à la Bibliothèque municipale de Roubaix.
La laïcisation des écoles de garçons, votée par la municipalité en 1882, concerne 2 734 élèves des Frères, sans compter les écoles des manufactures et les cours du soir. En protestation, les catholiques élisent au Conseil municipal le Frère Émétère, directeur (1878-1882) de la communauté du Vénérable. De plus, un comité se crée et organise des écoles libres.
Le temps des écoles libres
Bientôt, les Frères dirigent 8 écoles paroissiales, dont plusieurs gardent leur nom antérieur.
L’école Saint-Joseph, rue Rollin, se dédoublera rue des Anges, en 1889. En 1882, les dix Frères venant de Notre-Dame s’installent dans les locaux du patronage Saint-Michel, dont ils assurent l’animation et où ils créent une école. Puis l’école du SacréCceur, Saint-Bruno et du SaintRédempteur (dans le hameau du Pile), du nom des paroisses nouvelles où elles se situent.
En 1891 s’ouvre l’externat Saint-Louis, rue Pellart, pour jeunes des classes moyennes.
Il laisse la place à une « Maison de famille » destinée aux jeunes travailleurs, et le Frère Élèmes transfère, en 1895, l’externat sur un vaste emplacement : ce sera le demi-pensionnat Saint-Louis. Fermée en 1907, la maison s’établit à la frontière belge (pensionnat d’Estaimpuis), à 20 km de Lille. Mais entre 1904 et 1910, avec l’interdiction d’enseigner faite aux congrégations, les neuf maisons seront fermées, six continuant avec des Frères sécularisés.
Retour après 25 ans d’absence
L’école Saint-Joseph, fermée en 1906, avait été reprise par un personnel laïque.
Trois Frères en habit religieux en reprennent la direction, en septembre 1932 – le titulaire restant M. Joseph Jeu -, et la quitteront devant l’invasion allemande en mai 1940.
Sainte-Marie de Roubaix, école interparoissiale ouverte en 1933, est la seule qui demeure aujourd’hui dans le réseau lasallien.
Avec la crise du textile, la population ouvrière quitte la ville.
L’école demeure, accueillant aujourd’hui bien des enfants de familles maghrébines, s’adaptant à ces nouveaux élèves en majorité musulmans.
Frère Alain Houry
Rouen
Histoire tourmentée mais féconde
Les Frères ont animé en trois siècles 29 écoles et œuvres éducatives, faisant assaut de propositions pour des publics jeunes comme adultes.
L’histoire lasallienne de Rouen naît, dans l’aura des établissements de Darnétal et Saint Yon, avec quatre écoles de charité début 1705 (l’Hôpital général, Saint Maclou, Saint Godard, Saint Éloi). Depuis le début du 16e siècle, des écoles de charité éclosent, grâce aux initiatives conjointes de pasteurs, de collectivités municipales et de donateurs… et meurent faute d’éducateurs stables et formés.
Saga des « écoles gratuites »
Adrien Nyel va fonder, à partir de 1661, le réseau d’écoles que les Frères affermiront, et ne lâcheront plus jusqu’en 1907. Ainsi, la paroisse Saint Maclou, la plus populeuse avec 3 000 feux – 36 prêtres y officient en 1705 – possède une école située dans un cimetière : il est demandé aux Frères d’y rassembler « les troupes vagabondes et malfaisantes des enfants de Saint Maclou (…) pour y instruire les garçons de 8 ans à la religion, apprendre mestier, à lire et à escrire ».
L’histoire de ces écoles est d’abord celle des « écoles gratuites », liées à un « bureau des pauvres valides » qui s’appuie sur les Frères entre 1705 et 1792. Puis, celle des « écoles publiques » (1819-1833), qui deviennent « libres » (1833-1851), « libres subventionnées » (1851-1888) ; enfin, progressivement laïques, avec le départ forcé des Frères, qui doivent créer de nouvelles structures libres (1889-1907). Ce, au gré des relations avec la municipalité et l’État, dans le contexte politique connu par ailleurs.
La première communauté de Frères de Rouen fut celle de l’Hôpital général (actuel CHU C. Nicolle), institution gérée par le « Bureau des pauvres », chargé aussi d’assister les sans abris et les enfants des rues.
Encore présents entre 1860 et 1877, les Frères y accueillent « 1- des orphelins et des enfants des rues, très vicieux ; 2- les mêmes, placés dans des fermes et retournés pour inconduite ; 3- les enfants pauvres des personnes hospitalisées ». Et ils observent qu’il « n’est pas commode » de travailler avec ces jeunes de 16-19 ans, qui vont et viennent, menaçant « du pied et de la main »…
Sur tous les fronts éducatifs
À travers déménagements, changements de statuts et de noms, les propositions éducatives se diversifient en cet éventail classique… et très moderne.
Viendra l’École Normale de Seine-Inférieure (parmi les premières de son genre) du prieuré Saint Lô, qui marque durablement ce département entre 1829 et 1879, avec son lot de classes d’application, de cours de perfectionnement, en lien avec des cours pour adultes fréquentés par des ouvriers, âgés de 16 à 30 ans.
Les Frères dirigent en outre un cours commercial, des classes d’apprentis, ou pour soldats illettrés, et proposent exercices religieux et « patronages » à divers groupes.
À la rupture de 1907, on a estimé à 29 le nombre d’écoles paroissiales animées par les Frères durant les deux siècles passés, regroupant jusqu’à 3 500 élèves simultanément à l’apogée de 1860.
De ce réseau impressionnant de vitalité, l’école supérieure Bellefonds (1862) et le pensionnat Jean-Baptiste de La Salle (fondé en 1874, et qui accueille aujourd’hui 1 600 élèves en école-collège-lycée), seuls, traverseront les tourments des deux guerres jusqu’à nos jours…
Frère Bruno Mellet
Saint-Brieuc
Tenir la mission
Avec une ardente obstination malgré expulsions et conflits, Frères et laïcs lasalliens tiennent ferme la mission depuis plus de 250 ans.
En 1746, le doyen du Chapitre de Saint-Brieuc octroie une rente de 500 livres pour trois Frères chargés d’instruire les garçons pauvres. La maison du « Cordon bleu », rue de la Vicairie, devient l’école. Dès 1758, il faut reconstruire les locaux. Faute de moyens, ils ouvrent un pensionnat, mais après plainte des maîtres de pensions ils doivent y renoncer. En 1786, ils n’obtiennent plus que 100 livres annuelles de la municipalité.
Expulsions et conflits
À la Révolution, l’école est maintenue, mais les Frères refusent de prêter serment ; ils sont expulsés de l’école dont ils étaient propriétaires en 1791. Ce n’est qu’en 1818 qu’ils y reviennent, avec le soutien municipal. Durant le XIXe siècle, les écoles gratuites subissent les aléas des changements municipaux, voire paroissiaux. En 1833, le nombre d’élèves des Frères dépasse largement celui des écoles mutuelles, mais la ville leur coupe les aides. Entre 1848 et 1851, un conflit d’autorité avec l’aumônier de l’école, soutenu par Mgr Le Mée, dégénère en menace d’expulsion. Puis la municipalité conteste la propriété de l’école, mais le Conseil d’État donne raison aux Frères. La ville demande une rétribution aux familles aisées ; les Frères ne l’accepteront qu’en 1861.
En 1890, laïcisation des écoles ; les Frères ouvrent alors une école privée et créent la Société anonyme immobilière « la Rue du Parc ». En 1897, ouverture d’un pensionnat, et en 1899 d’un atelier technique.
En 1904, la loi interdisant les Congrégations enseignantes, des Frères se « sécularisent » sur place. En 1927, ouverture de trois classes et d’un atelier à l’école du Sacré-Cœur, rue Saint-Benoît, dans l’ancien séminaire. À la rue du Parc, l’école Saint-Brieuc comprend quatre classes menant au CEP. En 1956, un incendie détruit le pensionnat du Sacré- Cœur. Il est reconstruit avec le diocèse pour former une école primaire qui deviendra mixte en 1971. Les Frères quittent la rue Saint-Benoît pour le lycée du Sacré-Cœur en 1979.
Nouveau Sacré-Cœur
Saint-Denis
Trois siècles de présence lasallienne
Autour des 2 400 élèves de l’ensemble scolaire Jean-Baptiste de La Salle – Notre-Dame de la Compassion, Frères, familles et amis fêtent du 5 au 7 avril 2008 les 300 ans d’un établissement phare de la vocation du réseau lasallien.
Dès 1705, Charlotte Poignant désire financer une école populaire à Saint-Denis où elle demeure. En 1708 les conditions sont réunies : M. de La Salle envoie des Frères pour régenter deux classes. L’école ouvre le 1er juillet, dans une maison louée proche de l’établissement actuel. En 1722 une nouvelle donation permet le transfert dans des locaux mieux aménagés. L’école continue à prospérer jusqu’en 1793, où la Révolution l’oblige à se disperser. La générosité d’un jeune clerc, Jean-Baptiste Clément, fils du chirurgien de Louis XIV, permet l’ouverture, en 1709, d’une œuvre pour la formation des maîtres laïques destinés aux écoles de campagne. De graves difficultés, dues à la jeunesse puis à la mauvaise foi du donateur, conduisent M. de La Salle devant le tribunal, qui le condamne. L’œuvre cesse en 1712.
Législations hostiles
La reprise, en 1808, est difficile. Un personnel qualifié fait défaut. Frère Paul, précédent directeur, doit s’éloigner au bout de deux ans. En 1818 les Frères sont rappelés par la municipalité. En 1827, sont inaugurés des cours du soir pour apprentis et adultes. En 1829, l’école compte 267 élèves et 200 adultes, malgré les tracasseries d’une municipalité peu favorable. Elle se maintiendra cependant jusqu’en 1880. Pour les filles, une école est ouverte en 1824 par les sœurs de la Compassion, dans l’ancien couvent des Récollets (implantation actuelle).
Une législation hostile oblige les Frères à quitter les écoles communales. Ils ne peuvent poursuivre qu’en créant des écoles libres. C’est le cas en 1880 à Saint-Denis, où les Frères fondent, sur le site actuel, une école que les lois anticongréganistes de 1904 les obligent à quitter en 1909.
Des maîtres civils prennent le relais dans le même esprit. Le curé de la paroisse obtient le retour des Frères en 1941.
Diversification des formations
L’arrivée du Frère Georges Bonhomme, en 1948, ouvre l’ère des grandes réalisations.
Des industriels de la ville réclament une école d’apprentissage pour la métallurgie. Des opportunités immobilières et des concours divers permettent la construction d’ateliers dès 1950. Les premières années sont difficiles à cause des multiples charges. Mais les élèves affluent : il faut construire.
Un important bâtiment est prêt en 1956. Dès 1958 une nouvelle construction est affectée aux besoins de l’école technique. À la veille de la loi Debré et des contrats avec l’État, le groupe Saint-Jean-Baptiste de La Salle reçoit déjà 700 enfants pour le primaire et 500 élèves dans les formations techniques qui ne cesseront désormais de se développer.
La fusion avec l’établissement voisin Notre-Dame de la Compassion a lieu en 1989.
Un programme est engagé pour la rénovation des locaux, facilitant la diversification des formations proposées.
Et 2002 voit une nouvelle étape avec la labellisation du « Lycée des métiers » pour les filières industrielles, en formation initiale et par alternance.
Frère Francis Ricousse
Saint-Étienne
Qualité d’enseignement et ouverture sociale
Dans cette ville de tradition industrielle, les Frères ont répondu présents pour des formations techniques renommées, et tenu bon dans les tempêtes laïcistes.
En 1805, quatre Frères ouvrent une école à la demande de la municipalité. Elles seront cinq vers 1850. En 1871, une « École Supérieure » pour les meilleurs élèves sortant du primaire est confiée aux Frères.
La laïcisation des écoles communales vers 1882 entraîne l’ouverture de neuf écoles « privées » gratuites, qui accueillent plus de 2 100 élèves.
Expatriés ou sécularisés
En 1904, la suppression de l’enseignement congréganiste amène de nombreux Frères à s’expatrier ; d’autres poursuivent sur place, se présentant comme laïcs (« sécularisés »).
Au XXIe siècle, trois établissements phares de Saint-Étienne demeurent.
• En 1843, trois Frères lancent l’Institution des Jeunes Sourds. En 1854, implantation sur la colline Sainte Barbe de « Plein Vent ». Des ateliers forment plus de 100 élèves en 1870. Lors de la laïcisation, le Frère Olympe remet au Préfet les clés de l’institution pour éviter de choquer les enfants mais, en prenant congé, il lui signale que les enfants sont dans la cour de la Préfecture. « Voici les clés… et les enfants ! – Oh ! Gardez-les ! », répond le Préfet, et l’œuvre va se poursuivre avec les Frères. Toujours accueillis par l’institution, les jeunes sourds s’intègrent aujourd’hui dans les collèges et les lycées stéphanois.
• En 1859, le Pensionnat Saint-Louis s’installe rue Désiré Claude. Il prépare bientôt au baccalauréat. En 1864, le Frère Rodolpho (Achille Sogno) lance le « Cours des Mineurs », préparatoire à l’École des Mines. Près de la moitié des admis en sortent.
Grand Prix de l’Enseignement Technique
En 1904, le « Cours Sogno » s’implante à Lyon. Durant la 2nde guerre mondiale, le Frère Boile accueille des enfants de résistants et de Juifs. Dénoncé, il sera incarcéré près de sept mois, et torturé au Fort de Montluc à Lyon. Le PSL, devant s’agrandir, sera reconstruit entre 1957 et 1964.
• Parallèlement, à la fin du XIXe siècle, Saint Etienne, ville industrielle, avait réclamé des formations techniques. Après des débuts difficiles en 1884, le Frère Paramon développe le cours professionnel Sainte-Barbe. Avec le soutien des industriels, il créé « les ateliers à l’extérieur de l’école », dans les entreprises. L’école assure un solide enseignement général, et forme les élèves à des œuvres chrétiennes et sociales. Elle obtiendra le Grand Prix de l’Enseignement Technique à l’Exposition universelle de 1900. En 1904, des Frères sécularisés autour du Frère Paramon, devenu M. Barlet, poursuivent l’œuvre. La Société foncière stéphanoise prend en charge les biens des Frères, qui font communauté dans une… « Maison de famille pour célibataires » !
En 1929, le directeur Frère Pontien (M. Maras) marque toute une génération d’élèves. Il sera président du « syndicat des Instituteurs de l’enseignement libre » et, en 1935, Visiteur du district de Saint-Étienne.
En 1939, Mgr Gerlier, Primat des Gaules, inaugure les ateliers propres à l’établissement. Dans les années 1960-80, extension du patrimoine immobilier. En 1982, achat par le Frère Noël Bois de locaux laissés vides par les Dames de Chevreul pour l’enseignement général.
Depuis un an, Saint-Louis et Sainte-Barbe forment un ensemble de 1 600 élèves. Sans les Frères, partis en 2004, l’aventure lasallienne stéphanoise continue.
Frère Michel Chaussier
Photo : École professionnelle Sainte-Barbe – Cour de récréation dans l’immédiat après guerre.
Toulouse
Une histoire mouvementée
De révolutions en méandres politiques, les Frères, avec une positive obstination, fondent et font renaître leurs œuvres depuis plus de deux siècles.
Dès 1687, le Conseil d’État constatait « qu’il y a dans la ville de Tolose grand nombre de jeunesse qui y manque d’instruction »… Mais ce n’est qu’en 1788 que les premiers Frères arrivent sur la paroisse Saint-Étienne. Quatre Frères ouvrent une école gratuite, qui compte 400 élèves un an plus tard.
En août 1791, avec la Révolution, les Frères quittent l’école ; et l’Institut est supprimé en 1792.
Fluctuations politiques…
En 1803, retour des Frères ; la municipalité leur confie l’enseignement. En 1804, deux Frères ouvrent une école sur la paroisse Saint-Nicolas. Mais les traitements ne suivent pas.
En 1808, le Frère Bernardin interpelle Napoléon, de passage à Toulouse ; celui-ci engage la ville à les payer.
Après 1815, le ministère de l’Intérieur demande que ces écoles soient rattachées aux bureaux de bienfaisance, sans succès. Des écoles s’ouvrent sur Saint-Sernin, Saint-Michel, sur la Dalbade et, en 1822, sur la paroisse de la Daurade. Malgré leur succès, les obstacles se multiplient. Le parti libéral fait le choix de l’enseignement mutualiste, et ouvre deux écoles dès 1817.
Lors de la « Révolution de juillet », en 1830, la municipalité supprime plusieurs postes de Frères. Les écoles mutuelles obtiennent des aides accrues, tandis que celles des Frères diminuent de moitié, alors qu’elles reçoivent quatre fois plus d’élèves !
En 1833, la loi Guizot crée des Écoles normales pour l’instruction primaire. Les Frères doivent renforcer leur formation pédagogique. En 1840, l’école Saint-Jérôme ouvre, avec deux Frères ; et, en 1844, la paroisse Saint-Michel obtient quatre classes.
Œuvres foisonnantes
Les fondations et legs se multiplient. Les œuvres se diversifient : en 1833, des cours du soir sont créés à l’école Saint-Etienne, avec plus de 150 adultes. En 1840, sept Frères sont envoyés dans les prisons de Sénéchal et de Saint-Michel, instruisant plus de 250 prisonniers. La Révolution de 1848 y mettra fin.
En 1841, le pensionnat Saint-Joseph ouvre rue Caraman, avec 179 élèves ; l’enseignement scientifique répond à la demande industrielle. Il atteint 595 pen- sionnaires en 1884. Entre 1883 et 1888, avec les lois Jules Ferry, les écoles primaires de la ville sont laïcisées. Plusieurs rouvrent ensuite comme écoles privées.
En 1906, suite aux lois interdisant l’enseignement congréganiste, les écoles et le pensionnat ferment ; plusieurs écoles continuent avec des Frères « sécularisés ». 166 pensionnaires émigrent à Lès-les- Bains, dans le Val d’Aran, en Espagne.
Saint-Joseph rouvre en 1925, rue de l’Étoile, et reprend son essor. Les locaux deviennent insuffisants. Il faut attendre les années 1960, avec les contrats d’associa- tion, pour voir la construction du « nouveau Saint-Jo », sur le site de Sainte-Philomène. Il ouvre le 30 septembre 1968, regroupant les forces vives des Frères ; l’enseignement technique se diversifie, les effectifs progressent. Des antennes scolaires mobiles pour gens du voyage sont rattachées à l’école primaire.
Aujourd’hui, l’ensemble scolaire Saint-Joseph accueille 2 600 élèves. Deux communautés de Frères œuvrent sur Toulouse.
Frère Michel Chaussier
La Salle Liens International n° 82 – décembre 2012
Troyes
Enracinement et fidélité
L’œuvre lasallienne, née ici au temps du Fondateur, témoigne, à travers temps d’épreuve et de prospérité, une relation étroite entre une communauté de religieux et une population.
« Vu la demande adressée, à l’effet d’obtenir que les Frères des Écoles Chrétiennes fussent de nouveau chargés de la direction des écoles communales, qui furent confiées à leurs soins pendant la plus grande partie du 18e siècle et de nos jours, depuis 1820 jusqu’en 1832 (…), il résulte (…) que les statuts de leur institution les lient à la religion – qui est la source de toute éducation et de toute charité – et leur prescrivent l’humilité et la pauvreté qui leur apprennent à traiter les pauvres en égaux (…) et arrête ce qui suit : une quatrième école communale de garçons sera érigée à Troyes intra-muros, et confiée à la direction de deux Frères (…) « .
Ce délibéré (au contenu surprenant) du conseil municipal de la ville de Troyes – du 3 février 1841 – « ramasse » en quelque sorte une histoire lasallienne commencée en 1702, du vivant de saint Jean-Baptiste de la Salle.
Non pas tant une histoire institutionnelle, que celle d’une relation entre une communauté de religieux et une population, s’apprivoisant mutuellement à travers temps d’épreuves et de prospérité, dans la durée et la fidélité. Avec en toile de fond, les activités industrielles (liées au textile entre 1745 et 1960), et les besoins éducatifs qui s’y rattachent.
Réseaux laïcs mobilisés
La période 1702-1792 est marquée par la pauvreté partagée : « Les Frères qui étaient en classe manquaient souvent des aliments nécessaires, et le Frère « servant » était obligé de demander aux revendeuses les restes de leur étal pour faire le repas des pauvres Frères ; de là le nom de « coupe-choux » encore aujourd’hui donné aux Frères à Troyes » (récit de 1902). 1792 voit la dispersion des dix Frères chargés de quatre écoles (St-Pierre, St-Jean, Ste-Madeleine, St-Pantaléon).
Une succession houleuse d’ouvertures, de fermetures et de… réouvertures marque la demi-douzaine d’écoles de la période 1822-1904, mobilisant autorités ecclésiales et réseaux laïcs pour durer.
Point d’étape en 1852 : les trois écoles paroissiales du moment, éduquent 670 enfants et 350 ouvriers (en cours d’adultes), avec onze Frères.
Les 90 ans de Saint-Joseph
De la dispersion de 1904 demeurent aujourd’hui quatre témoins :
L’école-collège St-Pierre – repris par les Frères entre 1940 et 1972.
L’école Ste-Jule – regroupant l’école St-Martin reprise par les Frères entre 1945 et 1984, en milieu populaire.
Le Foyer Hoppenot – aujourd’hui La Salle – créé sur la période 1949-1958, pour héberger des jeunes travailleurs.
Le groupe scolaire Saint-Joseph, né en 1921 et confié aux Frères depuis 1940.
Cette dernière institution célébrant cette année son 90ème anniversaire, fera mémoire de ses enracinements dans le terreau industriel et religieux de Troyes.
Vers 1960, le Frère H. de Silvestri, directeur de « St-Jo », invitait en fin d’année, les jeunes du Foyer Hoppenot à…. « quitter un foyer transitoire, pour s’en aller allumer ailleurs, quelqu’autre feu qui puisse à son tour devenir foyer
et éclairer et réchauffer, et construire un monde meilleur ».
Frère Bruno Mellet
Photo : L’école Saint-Pierre, 1954
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