Le collège Félix Aunac situé à Agen a reçu en voisin l’académicien Michel Serres. Philosophe, mathématicien, historien des sciences et homme de lettres celui qui a usé les bancs de l’école du réseau La Salle en Gascogne dans les années trente est venu nous parler de « la Rencontre » (thème d’année des Lasalliens).
Le commun des mortels aborderait simplement la thématique en faisant référence à l’autre mais « l’immortel » nous a délicieusement amené vers cet instituteur l’obligeant à changer de main pour l’écriture. Contraindre le gaucher qu’il est, lui a permis de rencontrer la partie droite de son corps et d’en réveiller cette autre moitié qu’il a su dompter et dédier au développement de son âme. Il vous dira que : « le marteau, la raquette, la fourchette est à gauche mes sensibilités pour les lettres, la musique, la spiritualité sont bel et bien à droite ! ». Voici qu’à 5 ans il est passé de « gaucher contrarié à complété ».
1939, Michel Serres a 9 ans, l’entrée en guerre réquisitionne les instituteurs, leur rareté le parachute dans une classe avec des grands de trois niveaux au-dessus, le voilà perdu lorsque le professeur de math aborde la mésalliance du chiffre et de la lettre de ce début d’équation : X-1=0.
« Mais quel est la valeur de X ? «
« X n’en n’a pas ou plutôt il les a toutes » lui répondra le professeur !
Allez comprendre… mais pour l’élève c’est une révélation, il entre dans le palais de cristal de l’abstrait, de l’infini, de l’impalpable ; cette seconde rencontre lui permettra de prendre conscience de son appétence pour l’inconnu.
Depuis l’adolescence il n’a de cesse d’être interpellé par l’autre mais pas nécessairement dans l’échange verbal. Pour preuve, cette rencontre dans un zoo de Sydney avec un gorille tous deux paisiblement assis et partageant le déjeuner, deux heures à se regarder, s’observer et se laisser attendrir simplement par la quiétude de l’instant, autre exemple lors d’un séjour au Mali en pleine brousse et la rencontre avec un chef de village, malgré la barrière de la langue la relation s’est tissée parce que c’était lui, parce que c’était moi. Cette réponse à la Montaigne traduit finesse et altruisme du philosophe.
A la fin de son intervention, un membre de l’auditoire lui a fait part d’un des piliers du projet éducatifs Lasallien : « construire l’homme et dire Dieu ». Quelle relation entretenez- vous avec Dieu ? La délicate question sur le mystère de la foi nous a finalement amené à lui laisser un temps infini à résoudre l’équation existentielle à la rencontre de l’inconnu.
Lionel Fauthoux
LE 21/05/2016
LE 01/06/2016
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