La Spiritualité Lasallienne
La Spiritualité Lasallienne
« Dieu est si bon, qu’ayant créé les hommes, il veut que tous soient sauvés et il ne peut le vouloir véritable-ment sans donner aux enfants des maîtres qui contribuent, à leur égard, à l’ exécution de ce dessein. »
Pour Jean-Baptiste de La Salle, notre travail pédagogique, éducatif peut donc devenir réponse concrète à cet appel de Dieu, chemin d’une aventure spirituelle guidée par la Force et la Lumière de l’Esprit-Saint.
Jean-Baptiste de La Salle a puissamment contribué à la démocratisation de l’enseignement, à la rénovation de l’école, à la transformation de la relation éducative, c’est d’abord en fondant sur l’évangile une fraternité de laïcs consacrés à Dieu dans le service de la jeunesse abandonnée.
Réciproquement, Jean-Baptiste de La Salle n’a pas élaboré une « spiritualité » abstraite et déductive. Il part de la vie même de ses Frères. Il les rejoint dans leurs situations concrètes, les soucis quotidiens de leur métier, et surtout le tissu vivant de leurs relations avec les jeunes. Il les aide à entrer dans la profondeur mystique de leur ministère même : par leur action, c’est l’œuvre de Dieu, c’est le salut de Jésus-Christ qui s’actualise pour ces « enfants qui leur sont confiés ». L’avenir de l’école chrétienne va dépendre pour une part de plus en plus importante, de la valeur professionnelle et de l’inspiration évangélique.
La spiritualité à la fois biblique et concrète de saint Jean-Baptiste de La Salle est source de vie intérieure pour les Frères des Écoles Chrétiennes, et les laïcs associés.
F. M. Sauvage, présentation du document de F. J. Pungier
Dans ma vie de Frère des Écoles Chrétiennes, s’il y a quotidiennement des temps spécifiques communautaires ou personnels, d’écoute et de dialogue avec Dieu, à partir de sa Parole, je perçois de plus en plus naturellement qu’il m’avise à tout moment et j’essaie de l’accueillir. Ainsi, Il me parle par les évènements – heureux ou pénibles –, dans mes rencontres, dans la vie des jeunes, des adultes, en particulier des Frères que je côtoie dans ma mission. Je suis en marche et comme les disciples d’Emmaüs, le Christ me rejoint sur mon itinéraire, m’interpelle et m’accompagne. Les années passant, cette présence de Dieu si essentielle à Jean-Baptiste de La Salle et à tous les Lasalliens, m’est devenue de plus en plus familière.
Mais si cette prise de conscience, cet acte de foi « poussé par l’Esprit » s’est ainsi accentué, c’est bien parce que les temps d’oraison journaliers orientent et favorisent cette intimité avec le Seigneur. Concrètement, je prends le matin une demi-heure d’oraison avec la communauté ainsi que le soir, un temps gratuit, de disponibilité, de silence … pour laisser paisiblement la Parole de l’Evangile du jour faire son chemin en moi. Je commence par une invocation à l’Esprit-Saint ; qu’Il prie en moi et guide mon esprit durant ce temps. Vient ensuite un temps assez long de mise en présence de Dieu : je m’appuie par exemple sur la prière d’Elizabeth de la Trinité que je rumine
lentement, ou bien je réalise avec joie que Dieu est là et qu’il m’aime, moi tel que je suis ou bien encore je me mets dans l’état d’esprit de Bernadette disant « Elle me regardait comme une personne » ; oui aux yeux de Dieu, je suis. Non pas « je suis comme ça » mais « je suis », reconnu homme et en capacité, un être à l’image de Dieu. Ensuite après avoir relu le texte d’Evangile du jour déjà préparé la veille pour m’en imprégner, je « mastique » cette Parole laissant l’Esprit m’en donner tout le suc, m’appliquant à moi-même le message évangélique. Suit un temps de louange ou d’intercession qui s’achève par une action de grâces ; je garde en moi pour la journée un mot, une parole qui guidera mes actes et mes paroles.
Saint Jean-Baptiste de La Salle a écrit une méthode d’oraison, très détaillée. Voici quelques directives adaptées de l’Explication de la Méthode d’Oraison par Frère William Mann.
Premier mouvement
Prenez quelques minutes de calme pour vous souvenir que Dieu est présent en ce moment même.
– Dans toute la création, tout ce qui vous entoure
– En vous-même, vous gardant en vie
– Au milieu de ceux avec qui vous priez
– Dans l’eucharistie et la Parole de Dieu
– En vous, par la grâce de Dieu qui travaille dans votre vie
– Dans la chapelle en tant que la demeure de Dieu
– Dans les jeunes et les pauvres
Demandez les grâces nécessaires pour mieux comprendre la volonté de Dieusur vous et pouvoir vous donner plus consciemment à cette volonté.
« Je me consacre tout à vous pour procurer votre gloire, autant qu’il me sera possible et que vous le demanderez de moi. » De La Salle, 1694
Deuxième mouvement
Contemplez le mystère de l’amour de Dieu à l’œuvre dans le monde. Lisez l’évangile du jour deux ou trois fois, lentement. Quels mots attirent particulièrement votre attention ? Écoutez ce qui est dit, regardez ce qui se passe, essayez de prendre part au mystère, de contempler Jésus avec amour. Réfléchissez sur le mystère de l’amour de Dieu à l’œuvre dans votre propre vie.
– Est-ce que l’évangile a quelque rapport avec ma propre vie ?
– Comment ce texte vous invite-t-il à être plus fidèle au ministère de l’éducation humaine et chrétienne de la jeunesse ?
– Comment essayez-vous de partager le message évangélique avec vos compagnons de vie et de travail… avec ceux qui sont confiés à vos soins ?
– Si vous laissiez ce passage de l’écriture devenir vivant en vous maintenant, qu’est-ce que vous auriez à changer dans votre vie ? Quels sont les obstacles à ce changement ?
Troisième mouvement
Prenez la résolution de laisser l’Esprit travailler en vous et à travers vous aujourd’hui.
– Où l’Esprit vous appelle-t-il à vous sacrifier aujourd’hui pour que les autres aient une vie plus heureuse, plus pleine, plus sainte, plus remplie d’amour ?
– Prenez quelques minutes maintenant pour remercier Dieu pour ce temps passé en prière et pour vous offrir de nouveau à lui, « autant qu’il vous sera possible » pour accomplir la volonté de Dieu… le plan de Dieu.
« Mon bonheur d’homme de foi, c’est de voir grandir ces jeunes. Les entendre dire qu’un jour, ils aideront les autres à leur tour, comme entraîneurs de foot, animateurs de centres aérés… père de leur propres enfants. La vie engendre la vie. Moi, j’aurai enfanté autrement. »
Il y a différentes façons de servir l’éducation aujourd’hui. Mais, spontanément, on pense d’abord à l’école et au métier d’enseignant. Est-il nécessaire d’être Frère pour être professeur aujourd’hui ? Non. Faut-il être professeur pour être Frère ? Non. Alors, pourquoi suis-je Frère et professeur aujourd’hui ?
Pour répondre, j’utiliserai le vocabulaire de notre fondateur, Jean-Baptiste de La Salle. Nous sommes appelés pour instruire en enseignant. Trois mots sont importants dans cette courte phrase : – appelés, instruire, enseigner. Appelés : Interpelés, provoqués, secoués par la Bonne Nouvelle annoncée par Jésus-Christ. « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Et quand il y a « appel », il y a « réponse », ou libre refus de répondre.
Instruire : Instruire du Royaume de Dieu. Comprendre l’importance qu’il y a à être aimé et à aimer, de cet amour qui libère et fait grandir. « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant » nous dit Irénée, évêque de Lyon aux commencements de l’Eglise. Et nous ne sommes réellement vivants que quand nous jouissons pleinement de notre dignité humaine. Tant d’hommes, de femmes et d’enfants sont aujourd’hui des « handicapés de l’amour ».
Enseigner : Pour nous le métier de professeur est plus qu’un emploi qui permet de gagner sa vie. Il est ministère : – service de… des jeunes, de la société …, et surtout de l’Evangile qui est notre guide et du Christ qui nous envoie en classe. Quand je fais la classe, je fais de mon mieux pour que les élèves comprennent les règles de français ou de calcul, ou pourquoi notre monde est tel qu’il est, avec ses richesses et ses pauvretés … Mon désir le plus profond est que ces garçons et ces filles, grâce à ce qu’ils apprennent et comprennent, découvrent qui ils/elles sont, grandissent et deviennent des jeunes hommes et femmes qui se savent aimés et capables d’aimer à leur tour. C’est ainsi que notre monde devient chaque jour meilleur, qu’advient chaque jour un peu plus le Royaume de Dieu, que mes élèves rencontrent le Christ Jésus. C’est là le but ultime de notre engagement.
Jean-Baptiste de La Salle a consacré beaucoup de temps à la formation des maîtres qu’il appelait pour participer à la mission d’enseignement, d’éducation et d’évangélisation des enfants. C’est aujourd’hui encore une dimension importante de notre mission.
Mon expérience personnelle dans ce domaine me prouve que la formation des enseignants, éducateurs, personnels, touche les personnes à la fois dans leur itinéraire de vie, dans leurs engagements au service des jeunes et dans leurs pratiques professionnelles.
Je conçois ce travail de formation un peu comme une animation pastorale des adultes. Je m’efforce en effet de les aider à découvrir comment Jean-Baptiste de La Salle, avec ses intuitions pédagogiques, éducatives et spirituelles inspirées de l’Evangile, mais aussi dans son cheminement personnel peut être inspirateur et porteur de sens pour nous aujourd’hui. La formation leur permet de s’enraciner dans une histoire et une riche tradition éducative.
Les chrétiens n’ont aucune peine à découvrir que ce sont la vie, les paroles et les actes de Jésus qui inspirent le regard lasallien sur le jeune, la relation éducative, le travail en équipe, la proposition de sens à la vie etc.… Mais quelles que soient leurs croyances et leurs convictions, à condition cependant qu’ils reconnaissent la dimension spirituelle de toute personne humaine, des éducateurs trouvent aisément dans le projet éducatif lasallien, une source de sens pour leurs pratiques professionnelles.
Avec bien d’autres, j’ai acquis la conviction que notre héritage lasallien n’est pas accompli, que les valeurs qui nous ont été transmises ont été seulement esquissées par ceux qui nous ont précédés. C’est pourquoi, la formation permanente lasallienne donne à chaque génération d’éducateurs la possibilité de se constituer comme héritière et dans le même temps fondatrice.
Comme Frère, j’ai toujours été habité, et je le suis de plus en plus, par cette invitation que nous adresse J.B. de La Salle à contribuer, autant que Dieu le demande de nous, au salut de ceux qu’ils nous a confiés. (Méd.193.3). Je m’efforce d’entendre pour moi-même, mais également de répercuter auprès des éducateurs son appel : « Tâchez d’en sauver quelques-uns ». Je m’efforce de leur montrer comment concrètement, dans l’exercice même de leur métier, ils peuvent contribuer au salut des jeunes.
Cette préoccupation nourrit, ma réflexion, mes recherches, mon travail et ma prière pour que l’école lasallienne soit vraiment un lieu de salut, humain et spirituel, pour les jeunes et pour les éducateurs. C’est le coeur de ma vocation apostolique. C’est pourquoi, dans mon travail j’essaie de témoigner le plus concrètement possible de ma foi en l’homme appelé au salut et de ma foi au Christ sauveur.
Ma consécration baptismale et religieuse donne sens à ces engagements. Ma prière, ma relation à Dieu se nourrissent de la Parole de Dieu, mais également de tous ces éducateurs que je rencontre et des jeunes dont ils s’occupent : Seigneur, répands sur eux ton Esprit ! Seigneur sauve-les !